Katakurike no Kofuku
Scénario de Kikumi Yamagishi
Avec Kenji Sawada, Keiko Matsuzaka, Shinji Takeda, Naomi Nishida,
Kiyoshiro Imawano, Tetsuro Tamba, Naoto Takenaka, Tamaki Miyazaki,
Takashi Matsuzaki
La famille du bonheur...
Miike forever.
Tout a commencé... non. J'étais à la cueillette
aux champignons... non. Voilà bien longtemps, dans un lointain,
très lointain pays, un enfant est venu au monde. Cet enfant japonais
devint un homme puis un dieu. En effet, un dieu ou plus assurément
le Dieu. Miike, Miike, un nom qui me martèle le cerveau depuis un
certain soir de l'année 2000 et un Fudoh, bientôt suivi le
lendemain par un Dead or Alive, des plus énormes. Ah jeunesse
perdue, dépucelage cinématographique, non vraiment cet homme a un
grain quelque part, ou peut-être est-ce nous qui ne l'avons pas
(encore)? Un seul choix s'offre alors à nous pauvres mortels:
voir le plus possible de ses films. Mais se procurer d'autres films
signifie doubler puis tripler le budget allouer à l'achat de DVDs
japonais. Une fois le portefeuille devenu conséquent, les malades
que nous sommes se métamorphosèrent en êtres irrécupérables et entièrement
dévoués à ce nouveau culte: Takashi Miike. C'est donc la bave aux
lèvres, les pupilles dilatées, le corps secoué de spasmes musculaires,
la CB dans une main et la souris dans l'autre, une formidable protubérance
au niveau du bas ventre et un bon sens disparu à jamais, que nous
nous mîmes à commander tout ce qui existait alors et en rapport
direct avec le Monsieur. Dead or Alive, Andromedia,
puis le box comprenant la trilogie Kuroshakai; les
Tennen Shojo Man et Tennen Shojo Man Next furent achetés
(ne parlons pas d'argent on se fâcherait!!)... Bruxelles
2001, deux Miike de prévu: Visitor Q et Hyoryugai.
Le premier est diffusé dans la salle la plus chef d'œuvre de la
Terre, plus proche du squat que de la salle de projection officielle
(des coussins au sol, de la musique 70's, et de la drogue douce
en quantité pourraient nous faire penser à Torso, giallo
familial par excellence). Le second a droit à la salle d'honneur
et à un public de festival des plus hilarants (ceci étant un
trait d'ironie). Nous voilà encore plus embêtés, deux nouveaux
films et deux nouveaux DVDs à s'acheter. Visitor Q ne bénéficiant
pas encore de date de sortie au Japon, nous dûmes nous le procurer
d'une façon peu reluisante mais tellement nécessaire. Bienheureusement
(malgré le prix!!) Hyoryugai connu un franc succès
au Japon et sortit assez vite dans ce format qui conduira, sans
doute, la totalité de la rédaction et de son entourage à la ruine,
je parle bien sûr du DVD (surtout qu'entre temps Chugoku no
Chojin venait de prendre place parmi les précédents). Pris
d'une frénésie incontrôlable, chaque sortie de film du maître japonais
est accompagnée d'un désir insatiable de voir, connaître, et posséder
la dite œuvre: sortie de Dead or Alive 2 suivi d'un achat.
Quelques mois plus tard c'est au tour de Tengoku kara Otoko Tachi;
et nos vies seront rythmées dorénavant par chaque sortie d'un nouvel
opus. En tout cas c'est ce que nous crûmes, pendant un certain temps,
tels des inconscients. Et puis un jour la possibilité de rencontrer,
pis d'interviewer Dieu nous ait donné. Cela se passera à Paris,
dans un hôtel parisien. Ce soir là, Dieu est parmi nous, il entre,
il nous salue, nous serre la main et répond à nos questions, reste
étonné devant l'intérêt que nous portons à toute son œuvre, nous
dédicace des jaquettes et accepte un modeste présent (bien qu'un
sacrifice humain aurait été de mise dans pareille situation);
et en plus tout ceci est immortalisé à tout jamais sur bande vidéo.
Alors vraiment, que reste-il à faire lorsque vous avez rencontré
Dieu? Le chérir, l'idolâtrer encore plus et surtout mettre tout
en œuvre pour découvrir ses autres films dans une salle, reste la
meilleure des solutions. Programme 2002 du Festival de Bruxelles,
encore deux futurs chef d'œuvre de prévus? D'abord Katakurike
no Kofuku dans la petite salle où est née la légende belge
de Miike (voir plus haut et le trip sur Torso). Puis
dans la grande salle, au sol plat et à la visibilité scandaleuse,
le film dit le plus violent jamais réalisé: Koroshiya Ichi.
Où en étais-je?... Ah oui! Tout comme James Stewart et Peter Fonda
dans La Classe Américaine, nous nous mîmes en route promptement.
Et c'est installés aux mêmes places que l'année précédente que nous
attendîmes le début d'une projection certainement inoubliable. Mais
grande stupeur, Miike lui-même vient présenter son film. Nous feignons
le blasement, quand tout à coup nous reconnaissons le critique et
ami - et nouvellement acteur depuis Hyoryugai* - qui
se met tout normalement à chanter aux côtés d'un Miike hilare et
face à un public médusé et déjà conquis bien avant le générique
du film. Le spectacle commence... premier Takashi Miike de la journée...
il est plus de 19h... le reste n'est que légende... ahhhhh!!
Les Katakuri sont une famille
nombreuse. Ils tiennent une auberge, mais l'isolement de cette dernière
fait que le père de famille pense à abandonner son rêve et à fermer
sa maison d'hôtes. Heureusement, des clients font leur apparition
et toute la maisonnée s'affaire pour rendre le plus agréable possible
le séjour de chacun. Mais inlassablement, les clients sont retrouvés
morts le lendemain de leur arrivée. Dès lors deux choix s'offrent
aux Katakuri: soit ils appellent la police et de ce fait plus aucun
touriste n'osera mettre les pieds chez eux; soit ils enterrent les
cadavres et font comme s'il ne s'était rien passé. La deuxième solution
réunissant tous les suffrages, c'est la pelle à la main que chaque
membre des Katakuri participe au creusage de fosses communes...
Attention la partie laborieuse
de cet article va commencer. Laborieuse car parler de Miike relève
de l'exploit: car Miike c'est la vie. En plus de cela Katakurike
no Kofuku est un film sur la Famille, sur l'Amour, sur la Dévotion
parentale, sur ces petits silences chargés d'Emotion qui arrivent
parfois quand on est en présence de toute sa famille. Katakurike
no Kofuku c'est la Vie... en comédie musicale.
Non seulement Miike a réuni un casting considérablement
mortel mais en plus il a mis tout ce petit monde en musique. Tout
d'abord les parents: Kenji Sawada (Masao) et Keiko Matsuzaka
(Terue). Respectivement Monsieur Taiyo wo Nusunda Otoko
(de Kazuhiko Hasegawa /1979 - voir article) et tant d'autres
films et albums; et Madame Kamata Kôshinkyoku (de Kinji
Fukasaku /1982 - voir article) et tant d'autres films et albums.
Des enfants: Shinji Takeda (Masayuki) et Naomi Nishida (Shizue).
Le premier on ne le présente plus tant il est pour l'entière rédaction
un mythe. Pourtant une enquête fut ouverte voici quelques mois pour
mettre fin ou plutôt apporter crédit à l'hypothèse suivante: Est-ce
que Shinji Takeda est un robot? Hypothèse fondée sur la façon toute
particulière qu'il a de bouger ses membres dans Kairo (scène
de la bibliothèque) et Gohatto, et tous ses autres films
en fait. Quand à sa sœur, la très mignonne et naïve Shizue, elle
reste le personnage le plus attachant du film et ce en dépit du
fait qu'elle succombe au charme d'un gigolo, pardon d'un officier
de la Royal Air Force, membre exilé de la famille royale
(neveu de la reine!!), accessoirement agent secret au service
de sa majesté envoyé en mission en Extrême-Orient, voleur de portefeuille
et zombie à la voix suave. A ceux-ci vient s'ajouter un grand-père,
le bien nommé Tetsurô Tanba (Jinpei), truand, puis officier
de l'armée impériale du Japon et mercenaire vengeur pour Fukasaku
(Hakuchû no Buraikan / 1961; Gunki Hatameku Motoni
/1972; Yagyû ichikozu no inbô/ 1978 - voir articles correspondants)
et une flopée d'autres films. Grand-père dont le passe-temps favori
- à la limite de névrose - est de tailler des bûches pour
les lancer sur des corbeaux. Toute cette petite famille... attendez
une minute j'ai oublié de vous parler de la petite fille, Yurie,
qui nous conforte dans l'idée que l'on se faisait du Japon: quel
grand pays!!
Une fois réuni tout ce petit monde forme plus qu'une
famille: c'est la Famille. Celle qui connaît des bas et des hauts;
en fait un tas de bas et un seul, mais monumental, haut. Tout d'abord,
le licenciement du père. Au pied du mur, il décide d'assouvir son
rêve, achète cet hôtel délabré, et décentralise les Katakuri jusqu'à
un endroit plus que reculé. Ensuite, il y a le fils Masayuki: coupable
de plusieurs larcins et surtout de mauvais genre. Mais quand Shinji
se présente devant ses parents, il est accueilli à bras ouverts;
bien qu'il n'aide en rien - dans un premier temps - sa famille.
Sa sœur Shizue a dû se résigner à revenir vers ses parents quand
elle s'est retrouvée enceinte d'un homme marié. Elle aussi fut accueillie
par ses parents. Outre cela, il y a l'auberge qui ne marche pas
et la rare clientèle de celle-ci qui a pris la fâcheuse habitude
de mourir. A côté de cela, Shizue tombe une fois de plus amoureuse
du mauvais garçon qui ne convoite qu'une seule chose: son argent.
Il faudra l'intervention de son grand-père (et de sa bûche)
lors d'une magistrale empoignade, pour laquelle les deux protagonistes
furent remplacés par des marionnettes. Justement les marionnettes,
ou plutôt l'animation volume image par image, se taille une belle
part. Revenons en arrière, jusqu'à l'ouverture du film. Une salle
de restaurant, à l'heure du repas. Une femme s'apprête à déguster
une soupe, quand elle remarque quelque chose au fond de l'assiette.
Tel que Castagnier le faisait , dans Le Petit Baigneur**,
la jeune femme tapote le fond de son assiette et voici qu'apparaît
la plus bizarroïde des bêtes: entre le lémurien et un nouveau-né,
l'œil noir et globuleux, la "peau" d'un blanc laiteux et le tout
affublé d'ailes d'ange (décidément!!). Donc cette petite
bête s'envole et se fait courser par un corbeau qui le rattrape
et le tue. Dans le nid de ce même corbeau, un œuf éclot et qui c'est
quoi qui en sort: le même truc étrange décrit plus haut. Ce dernier
ne fait pas long feu car à peine s'est-il étiré qu'il est trucidé
par un corbeau. Corbeau qui en prenant son envol se fait également
tué par une bûche. Bûche lancée par le recordman du monde
toutes catégories: Tetsurô Tanba.
Mais les Katakuri ne sont pas au bout de leurs
peines car les morts se réveillent et viennent rôder autour de la
maison. Pour combler le tout un homme qui vient juste de tuer sa
femme, parvient à prendre en otage la mère de famille. Il n'est
pas anodin de retrouver dans ce rôle Kenichi Endo, le père incestueux
et dénué de toute déontologie de Visitor Q. Une fois de plus
leur amour va être mis à l'épreuve.
Oui voilà Katakurike no Kofuku est une mise à l'épreuve
de l'Amour que doivent se porter chaque membre au sein d'une famille.
C'est un véritable test d'affection. Chaque membre de cette famille
va devoir apprendre à reconnaître ses torts, à prendre sur soi,
car après tout la vie est trop courte et le temps bien trop précieux
pour s'agiter et se battre. Tels les parents qui accusaient de vol
leur fils, et qui en admettant leur erreur (bien que le passé
de leur fils fusse lourd!) resserrent des liens plutôt lâches.
Liens définitivement resserrés, au moment où la totalité de la famille
va se mettre à chanter et danser pour que la petite fille Yurie
n'ait pas peur des zombies. Ces derniers participants allégrement
à la fête.
Remake de The Quiet Family,
film coréen de Kim Ji-Woon avec Choi Min Sik (Failan),
Katakurike no Kofuku n'a pas à rougir. D'une part car le
film est signé Miike, et le bonhomme est bien trop doué visuellement
pour nous offrir un spectacle fade, et d'autre part car c'est une
comédie musicale. Quelques mois avant de prendre la décision de
s'expatrier à Bruxelles, une bande-annonce circulait sur le net.
Sacré Miike, ce coup-ci c'était fait: La Mélodie du Bonheur avec
des zombies!!! Mais là il y a un problème: Kenji chante, Shinji
chante, Tetsurô chante et des zombies dansent. Bande originale disponible,
bande originale achetée. Stupéfait, décontenancé et même un peu
déçu. Mais alors depuis la vision du film, le cd ne quitte plus
la platine: c'est foutu! Ma vie ne sera plus jamais la même surtout
depuis la déclaration d'Amour de Masao à sa femme (8ème piste
du cd).
Si vous vous demandez encore
pourquoi Katakurike no Kofuku est un chef-d'œuvre, laissez-moi
vous rappelez quelques petites choses. De l'animation, de la musique,
des zombies qui chantent et dansent, de l'humour, des sentiments
purs et vrais, une famille unie, il ne faut rien de plus... ah si
Miike!!
Vous savez l'art c'est incroyable. Le cinéma est
fantastique, et quand un cinéaste parvient à le maîtriser, c'est
grand, très grand. Katakurike no Kofuku mais voyons c'est dans le titre: c'est
le Bonheur!!
Takashi Miike c'est tellement
le bonheur que j'ai envie de vous faire part de la recette.
- Avocat crevettes sauce cocktail pour 3 personnes.
- 200 grammes de crème fraîche.
- 100 grammes de crevettes décortiquées.
- 3 cuillerées à soupe de ketchup.
- 1 jaune d'œuf.
- 1 bouchon de cognac.
- Tabasco, sel et poivre.
En premier lieu, mélangez
la crème avec le ketchup et le jaune d'œuf. Surtout ne battez pas
trop vite la mixture, de manière à ne pas rendre trop liquide la
sauce. Une fois que le mélange a atteint une belle coloration rouille,
ajoutez le Tabasco, le sel puis le poivre. Versez un bon bouchon
de cognac et mélangez à nouveau sans trop insister. La préparation
est bientôt finie. Égouttez les crevettes à l'aide d'un papier absorbant
et amalgamez le tout. Laissez le tout reposer quelques 3 minutes
au réfrigérateur de manière à ce que les crevettes s'imprègnent
de la saveur du cognac. Servir sur les avocats découpés dans le
sens de la largeur. Et bon appétit!
Takeuchi - 04.05.02
* Mais si souvenez vous ce
petit bonhomme qui porte son coq sur le dos.
** Louis DeFunès est sur un tracteur et au moment où il arrive à
maîtriser puis stopper la machine infernale, il saute dans une flaque
d'eau. Loin de toucher le sol, il disparaît sous le niveau de la
flaque. Il faut alors toute la dextérité de Castagnier et de sa
rame pour le retrouver.
B.O du film disponible qu'au Japon: réf. CPC8-1184.