Dead or Alive - Hanzaisha
Scénario de Ichiro Ryu
Avec Riki Takeuchi, Sho Aikawa, Ren Osugi, Tomorowo Taguchi, Susumu
Terajima, Dankan, Renji Ishibashi
J'étais tranquillement installé à mon bureau ce
matin, à effectuer une mise à jour comme qui dirait "long overdue".
Une fois ma tâche accomplie de façon relativement satisfaisante,
je me penche sur la filmographie de sieur Miike pour faire le bilan
des œuvres vues (et plusieurs fois revues pour beaucoup),
et pourtant non traitées. A l'approche de l'Etrange Festival
et de sa nuit DoA, mais surtout à quelques mois d'une sortie
programmée de l'intégrale Dead or Alive sur les écrans français,
la case Hanzaisha - DoA premier du nom - peut-elle
réellement se permettre de rester vide plus longtemps? Il ne faut
pas oublier que, aux côtés de Fudoh
et Audition, l'opus hybride (nous
y reviendrons dans quelques instants) a largement contribué
à forger la légende Miike de par les festivals internationaux. Dans
l'urgence je décide de ne pas revoir le film une nouvelle fois avant
de vous en parler, et de vous livrer un état des lieux de sa rémanence.
Beaucoup d'encre a déjà coulé sur la fameuse scène
d'ouverture de Dead or Alive. Condensé paroxystique de violence
non pas gratuite mais simplement contextuelle, ce qu'il faut en
retenir n'est pas sa brutalité jouissive mais son efficacité… tout
aussi jouissive. Au milieu de diverses sécrétions et violences,
fugitives ou développées, Miike parvient en quelques minutes et
un nombre exagéré de plans à introduire l'antagonisme - simple dommage
sociétal - qui va servir de base à sa narration (l'opposition
somme toute classique d'un gangster/immigré et d'un policier/japonais).
Immédiatement après toutefois, le réalisateur se paye le luxe d'une
étonnante décélération (qui dans mon souvenir trouve même écho
dans l'extinction de la bande-son d'introduction) et impose
d'emblée son film comme une œuvre hybride. Le Snatch de Guy
Ritchie en serait un autre exemple; sauf qu'ici Miike ne vise pas
à accélérer des joutes verbales pour s'étaler sur un chien en mouvement.
Le principe de destruction/refonte rythmique est toutefois le même,
si ce n'est que Miike a concentré les phases les plus importantes
d'un récit - la présentation des personnages et le dénouement -
en deux extrémités, narrativement "lyophilisées". Entre les deux,
il se donne le temps nécessaire au développement d'une violence,
à la construction d'une collision. Ce qui est on ne peut plus logique
et réaliste finalement, puisque si le mécanisme qui mène à une collision
peut sembler s'étirer en longueur, le choc lui-même est bref, parfaitement
"anti-cinématographique".
Quelque part, c'est l'ensemble de Dead or Alive
qui est anti-cinématographique; d'autant plus lent qu'il a commencé
rapidement, c'est une déconstruction tranquille de la vie de deux
hommes, vécue au travers de réactions plutôt que d'actions. Marionnettes
de ces interactions inévitables et jouées d'avance, les personnages
complémentaires incarnés par Riki Takeuchi et Sho Aikawa détruisent
de fait presque passivement, le tissu même de leur société (sous
la forme de leur appartenance à une famille et à un cercle social
principalement) - et ce jusqu'à aboutir à la fin très explicite
du film. C'est cette passivité, cet ensemble d'actions qui n'en
sont pas - car les personnages n' "agissent" jamais à proprement
parler - qui déroutent bon nombre de spectateurs à la vision de
DoA. Pour résumer, les seules scènes d'action du film - au
sens propre mais aussi en valeur d'entertainment - sont son
début et sa fin. Même si quelques séquences au cours de la narration
peuvent passer pour de l'action, elle ne sont en réalité que conséquences
de l'introduction et transitions vers la conclusion, et non étapes
de redéfinition d'enjeu.
Du coup DoA peut paraître lent, pour certains
même creux, alors que c'est cet étirement faussement vain qui lui
confère toute sa richesse. Le développement par Miike des personnages
de Riki et Sho et de leur univers est exceptionnel, et se paye non
seulement le luxe d'éclairer la trilogie précédente du réalisateur
(Les affranchis de Shinjuku,Chien enragé etLa
loi de la rue), mais aussi de poser les bases de toute une
mythologie en devenir. Celle-ci est basée non pas sur des personnages
récurrents mais sur de véritables icônes modernes, qui tentent à
chaque fois de redéfinir un monde inexorablement imparfait. En tant
que tel et en illustration ultime de son hybridité, DoA n'est
donc pas finalement une destruction, mais un authentique point de
départ - celui de tout un univers cinématographique, unique dans
sa sincérité. Une "extrémité" au sens littéral et figuré du terme,
duale, qui permet à son réalisateur de nous livrer l'un des films
les plus riches de sa carrière, ainsi que de ces dernière années:
son indissociable suite, Dead or Alive 2.
One, two...