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Disponibilité en DVD

[ = article ]

2006
- 51 Ways to Protect the Girl
- Big Bang Love: Juvenile A (46-okunen no koi)
- Imprint

2005
- Urutoraman Makkusu
- Yôkai Daisensô

2004
- Three, Monster
- Yasha
- Izo
- Pato Taimu Tantei 2
- Chakushin Ari
- Zebraman

2003

- Kikoku
- Gozu
- The Man in White
- Kôshônin

2002
- Deadly Outlaw Rekka
- Dead or Alive: Final
- Go! Go! Fushimi Jet
- Graveyard of Honour
- Kumamoto Monogatari
- Sabu
- Shangri-La

2001
- Agitator
- Family
- Family 2
- The Happiness of the Katakuris
- Ichi The Killer
- The Guys from Paradise
- The Security Women Affair - Acteur
- Visitor Q

2000
- Dead or Alive 2
- Isola - Acteur
- MPD-Psycho
- The City of Lost Souls
- The Making of Gemini

1999
- Audition
- Dead or Alive
- Ley Lines
- Salaryman Kintaro
- Silver
- Tennen shojo Man
- Tennen shojo Man Next

1998
- Andromedia
- Blues Harp
- Kishiwada Shonen Gurentai - Boukyo-Hen
- The Bird People in China
- Yomigaeru Kinro 2 - Fukkatsu-hen - Acteur

1997
- Full Metal Gokudo
- Kishiwada Shonen Gurentai - Chikemuri Junjo-Hen
- Rainy Dog

1996
- Fudoh: The New Generation
- Jingi Naki Yabo
- Jingi Naki Yabo 2
- Kenka No Hanamichi - Osaka Saikyo Densetsu
- Shin Daisan No Gokudo 2
- Shin Daisan No Gokudo - Boppatsu Kansai Gokudo Wars
- Rakkasei - Peanuts

1995
- Bodyguard Kiba: Shura No Mokushiroku 2
- Daisan No Gokudo
- Naniwa Kinyuden - Minami No Teio Special Gekijyoban - Producteur
- Naniwa Yukyoden
- Shinjuku Triad Society

1994
- Bodyguard Kiba: Shura No Mokushiroku
- Shinjuku Outlaw

1993
- Bodyguard Kiba
- Oretachi Wa Tenshi (Katagi) Ja nai 2
- Oretachi Wa Tenshi (Katagi) Ja nai

1992
- A Human Murder Weapon

1991
- Lady Hunter - Koroshi No Prelude
- Last Run - Ai To Uragari No Hyaku-oku Yen
- Topuu! Minipato Tai - Eyecatch Junction

Cinéma - 1998
Chugoku No Chôjin
Scénario de Masa Nakamura, d'après un roman de Makoto Shiina
Avec Renji Ishibashi, Mako, Masahiro Motoki, Li Li Wang, Michiko Kase, Yûichi Minato, Tomohiko Okuda, Manzô Shinra

Takashi Miike a du cran. Non parce qu'il tourne des films violents, cyniques et déjantés, mais parce qu'il prend, de temps à autre, le risque de se mettre à dos les fans du cinéma sus cité en sortant un ovni tel que The Bird People in China. Difficile en effet de relier cette fable douce-amère à la trilogie outrancière des Dead Or Alive ou à la folie de Audition. Miike s'est engagé ici sur les pas d'un Kitano bon enfant, poète et surtout malicieux. Pour notre plus grand plaisir!

Wada, un jeune businessman aux dents longues est envoyé par son entreprise en Chine profonde pour y prospecter une mine de jade. En chemin, il est rejoint par Ujie, un yakuza vieillissant auquel le patron de Wada doit des comptes. Ensemble, ils arrivent dans un village perdu au sommet des montagnes et qui vit au rythme des mythes et des légendes…

Non content de mêler les genres au sein de sa filmographie, Miike réussit le tour de force de les mêler au sein d'un même film, qui en devient un jeu de contrastes jubilatoire. Empruntant au filon occidental du "buddy movie", le réalisateur oppose d'abord ses protagonistes, tout en les forçant à s'associer. L'un est jeune, ambitieux et de bonne famille. Le deuxième est vieux, aigri et yakuza raté. Leur improbable réunion est évidemment une mine de ressorts burlesques, gisement renforcé par un goût pour l'absurde et le comique de situation particulier au cinéma japonais. Miike oppose également le Japon et la Chine à travers leurs langues, cultures, traditions et surtout paysages, reprenant les ficelles du road movie et du film d'aventure. Les panoramas grandioses qui se succèdent à l'écran font de la nature montagneuse du Yunnan le vrai sujet du film, un peu comme si le réalisateur japonais, amoureux du lieu, avait brodé son scénario autour, comme prétexte à le mettre en image. Les premières minutes, en accéléré dans un Japon urbain, bétonné et aux néons agressifs, vont à l'essentiel (le Yunnan) et rehaussent encore cet hommage à une nature intacte et apaisante. La disparition progressive de la civilisation permet au film de trouver son rythme propre, principalement contemplatif, et de revenir à des émotions simples et pures. Tels les deux héros remontant le fleuve tirés par des tortues, le spectateur, loin d'être bousculé, prend le temps de se plonger dans un monde fabuleux, celui des mythes et légendes chers à la culture asiatique.

Les deux personnages sont ainsi la clé de voûte d'une fable contemporaine à la morale simpliste mais au final bouleversant. Déclenché par un élément perturbateur qu'est pour l'un et l'autre cette nature primitive, leur voyage initiatique rapproche ces deux extrêmes qui, peu à peu, transcendent leurs archétypes vers plus d'humanisme. A hauteur d'homme durant toute la première partie du film, la caméra s'élève enfin, suivant en cela l'ascension des héros vers le sommet et de leurs esprits vers plus de rêve et de fantaisie. La légende des hommes volants, prise ici comme prétexte poétique à une union des humains et de la nature, renforce encore le lyrisme de la fable. Le village, traversé continuellement par les nuages de basse altitude et un vent sifflant, est peuplé d'habitants qui y "volent" déjà, guidés par une croyance naïve et forcément fragile. C'est la préservation de cet équilibre fragile qui devient l'enjeu de la fin du film. Subjugué par le rêve du vol et hanté par l'appel du ciel (et donc des ancêtres), le yakuza, à moitié fou, redevient samouraï et s'érige en défenseur d'un lieu qu'il considère comme son foyer sans jamais y être allé. Jouant toujours sur le choc des cultures, Miike, ironique et facétieux, révèle l'origine occidentale de la légende, non sans rappeler une bouteille de Coca Cola bien connue, quelque part en Afrique du Sud *. La jeune "professeur" de vol, Icare chinoise aux yeux bleus, est un peu le lien, la frontière entre l'Orient et l'Occident, la tradition et la modernité, le passé et le présent, la nature et l'argent. Sa seule présence, à laquelle s'ajoute sa beauté, est un message d'espoir pour les générations futures, aperçues symboliquement dans le splendide plan final, tout simplement aérien.

Tour à tour violent, drôle, émouvant ou triste, Miike réussit un film hybride qui, grâce à un thème extrêmement puissant, des paysages somptueux et des acteurs au meilleur de leur forme, conserve son unité. Retour aux sources du Japon (le Yunnan serait, selon une légende, le berceau de la civilisation japonaise) mais aussi d'un certain cinéma épuré d'effets spéciaux et d'action envahissante, The Bird People in China est, bien que singulier dans la filmographie de son auteur, un vrai chef d'œuvre, et à mon sens le meilleur film de Miike.

Aka6T - 14.11.03

* Les Dieux sont tombés sur la tête (1980)