Zipang
Fresque épique légendaire et anachronique...
Jigoku, criminel et sabreur émérite recherché dans tout le Japon, parcourt l’empire du soleil levant de long en large avec sa bande d’aventuriers pour le moins éclectiques. Alors qu’ils recherchent un trésor, ils se retrouvent malgré eux en possession d’une étrange et magnifique épée, censée les conduire vers Zipang la cité d’or. Mais nos aventuriers chasseurs de trésor vont très vite se retrouver confrontés à la jolie Yuri, chasseuse de primes pugnace qui veut la tête de Jigoku, et à une horde de ninja (emmenés par Hanzo un ninja SM !), envoyés à leurs trousses par le shogun...
Kaizo Hayashi est un dingue, c’est indéniable, et ce n’est certainement pas Zipang qui me fera mentir ! Quatrième film réalisé par l’éclectique créateur de l’univers de Hama Maiku [1], Zipang est également son premier long-métrage en couleur, après son hommage aux films muets Yume Miruyoni Nemuritai et le magnifique 20 Seiki Shonen Dokuhon - son deuxième film, PHIDEA, est un moyen-métrage tourné en 16mm -, et ça se voit ! Hayashi nous offre sa vision très libre du récit de Marco Polo, dans un déferlement de couleurs et d’expérimentations visuelles aussi cheap que géniales...
Un joyeux fourre-tout, dans lequel Hayashi glisse toutes les références qui lui passent par la tête, de Zatoichi à Cyrano de Bergerac, en passant par Tange Sazen et les anachronismes les plus éhontés en y insérant gadgets (prémisse évidente de son futur Cat’s Eye) et inventions en total désaccord avec l’époque - censée - du film. La bande d’aventuriers hétéroclites menés par Jigoku, est composée d’un "intello" (il a des lunettes, et porte un masque de théâtre donc érudition), d’un nain muet, d’un vieux brigand, d’un bègue trouillard amputé du nez, et d’un éléphanteau ! Hayashi joue (et se joue !) sur les différentes caractéristiques de ses personnages, et éprouve un malin plaisir à "malmener" Jigoku, héros théâtral, macho, grande gueule et ultra sympathique, en lui infligeant des ennemis par centaine, dans une "introduction" où notre chef de bande habile manieur de sabre, se retrouve confronté à un torrent d’hommes énervés qui ne désirent qu’une chose : sa tête ! Hayashi introduit donc à cet univers masculin, le pendant féminin de notre héros, la jolie Yuri. Yuri, personnage intense, est certainement celui dont l’évolution tant physique que psychologique est la plus visible tout au long du film...
...qu’est ce qui fait d’un film, un film de Kaizo Hayashi ?! Son univers barré qui mêle un cinéma grand public à un univers non-sensique et cheap ? Oui ! Et invariablement Zipang n’échappe pas à cette règle ! Le terme cheap n’est pas péjoratif chez Hayashi, puisqu’il revendique clairement cet aspect de son cinéma depuis ses premiers films. Evidemment, il suffit de voir l’éléphanteau qui accompagne nos amis pour comprendre très vite que ce n’est pas le genre de la maison de se prendre la tête avec des détails aussi futiles que "essayons de rendre cet éléphant un minimum réaliste", son côté gros truc en plastoc assumé étant clairement affiché. Le sérieux de ses personnages est également mis à mal tout au long du film, et leur jeu souvent très théâtral ne peut que rappeler tout l’amour qu’Hayashi porte au films muets. Le sur-jeu est ici un élément primordial du bon fonctionnement de l’objet filmique non identifié que constitue Zipang...
Mais l’un des éléments qui prime chez Hayashi, est aussi son habileté à créer un cinéma rempli de trouvailles, la plupart du temps visuelles, qui le rendent riche et unique, telles les jumelles/appareil photo en bois, le shuriken qui contient des diapos ( !), et le paravent qui fait office d’écran !... bref, du vrai Hayashi comme on l’aime ! Ses personnages ne sont pas en reste niveau facéties, et durant le mémorable duel qui ouvre le film, durant lequel Jigoku se bat seul contre un nombre incalculables d’ennemis bien remontés, il choisi ses sabres, épées et armes comme s’il s’agissait de club de golf ! Ainsi, Jigoku est suivi par sa petite troupe, et dès que monsieur lance un numéro, Togizo sort d’un caddie (de golf of course) l’arme demandée ! "Togizo, sanban !" ("Togizo, numéro 3 !"), etc, selon l’arme nécessaire pour affronter l’ennemi rencontré à ce moment précis...
On retrouve dans Zipang un casting assez hétéroclite, assez typique du début des 90’s. C’est Mashiro Takashima (Gunhed, Yamato Takeru) qui interprète Jigoku, et lui insuffle tout ce dont le personnage a besoin ! A ses côtés, l’excellente Narumi Yasuda (Hikaru Onna, Taiga no Itteki) - dans la vie, l’épouse de Noritake Kinashi du duo comique Tonneruzu et du groupe Yaen - qui offre à Yuri beauté, force et fragilité. Gravitent tout autour de nos deux héros, l’immense Mikijirô Hira, Haruko Wanibuchi, Bengal, le toujours excellent Mikio Narita, et même une micro-cameo du génial Hiroshi Mikami (héros du précédent film d’Hayashi, 20 Seiki Shonen Dokuhon)...
Une fois de plus, Kaizo Hayashi prouve tout son talent de metteur en scène et de véritable artiste de l’image ; son style est particulier, on aime ou on n’aime pas, mais il ne peut laisser indifférent, tant ses partis pris sont poussés jusque dans leurs retranchements les plus extrêmes. Plus que toute autre chose, Zipang est un film sur l’Amour... mais cet article prend le parti de ne rien dévoiler de toute l’intrigue du film, et à quoi bon ? L’Amour ne triomphe-t-il pas de tout ?... Entre le chambara, le film d’aventure, la romance et la farce, Zipang est un condensé de bonheur cinématographique intense, beau, jouissif et émouvant.
DVD (Japon pas vu) | Beam Entertainment | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:85 - 4/3
Ce DVD ne comporte pas le moindre sous-titre.
DVD (Grande-Bretagne)* | Pagan Films | Pal | All Zone | Format : 1:1:85 - 4/3 | Images : Un pressage plus que correct, sans défauts de compression... seules quelques taches de pellicules et l’absence d’un transfert anamorphique mettent une ombre au tableau | Son : Stéréo, r.a.s.
Suppléments : Toute petite galerie de photos, et des mini bio/filmo de quelques acteurs et d’Hayashi... that’s all !
Ce DVD contient des sous-titres anglais optionnels.
* la version de Zipang présentée sur ce DVD est coupée de 21 minutes...
Info bonus
Zipang a eu les honneurs d'une "adaptation" en jeu video sur la plus grande console de tous les temps, la NEC PC Engine (daptation entre guillemets, car il s'agit en fait d'un simple relooking du jeu Solomon's Key sorti 4 ans auparavant sur bon nombre de machines de l'époque...).
[1] cf. articles Waga Jinsei Saiaku no Toki, Harukana Jidai no Kaidan wo, Wana et La Forêt sans Nom.