Une Femme à sacrifier
"Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny
Envole-moi au ciel... zoum !
Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny !
Moi j’aim’ l’amour qui fait boum !” [1]
Masaru Konuma a mis en scène autant de roman porno qu’il y avait de ronins dans la fameuse histoire japonaise d’honneur : 47. Parmi ceux-ci, Une femme à sacrifier a assis sa réputation de roi du film S&M.
Dès les premières images, le film de Konuma met le spectateur mal à l’aise. Une femme aperçoit un homme, Kunisada, accoudé à la portière de sa voiture, véritablement fasciné par le spectacle d’une fillette qui urine. Celui-ci la reconnaît et crie son nom, Akiko, et cette dernière s’enfuie aussi rapidement que ses getas le lui permettent. Kunisada s’avère être son ancien mari, instituteur en fuite après le viol d’une de ses élèves. Kunisada va kidnapper son ex-femme pour la soumettre à ses perversions sadomasochistes dans une maison isolée en montagne.
“C’est un de mes films les plus pervers” écrivait Masaru Konuma dans le catalogue 2002 de l’Etrange Festival, au cours duquel un hommage lui avait été rendu. Et effectivement : brûlure à la cire, pénétration avec divers objets, lavement, bondage... Konuma nous présente toute une gamme de perversions plus ou moins douloureuses et/ou humiliantes. Malgré ce spectacle normalement peu ragoûtant, il parvient pourtant à réaliser un film élégant !
Konuma dispose d’un atout considérable : la présence d’une grande dame du pinku, Naomi Tani. Elle éclaire ce film de sa beauté et de ses arguments physiques. Nous sommes à mille lieux de la vulgaire bimbo de porno. Le soin particulier apporté au cadrage et à la photographie du film constitue un autre ses points forts. Comme cette étonnante scène de flagellation, où le couple semble écrasé par la carrière de pierre qui les domine.
Film S&M, mais surtout sur le couple. Ces retrouvailles prennent l’allure de nouvelles fiançailles, même forcées. Une fois sa femme kidnappée, l’ex-instituteur va lui fixer un anneau, pourvu d’une chaîne, à un doigt. Plus tard, Kunisada procédera à un simulacre de mariage après avoir récupéré un kimono cérémonie chez son ex-femme. Quant au destin du couple suicidaire, qui est tombé dans les rets de Kusinada, il en dit long sur le caractère étouffant de la société japonaise.
Dans la première partie du film, on trouve le schéma classique de la domination de l’homme sur la femme. Mais celui-ci, évidemment plus valorisant pour le spectateur masculin, cible de cette catégorie de film, va ensuite s’inverser. En effet, après avoir subi les pratiques S&M de son ex-mari et tenté de s’échapper, Akiko va finalement y trouver du plaisir. Et si la police fait fuir Kunisada, ne nous y trompons pas, celui-ci est bien heureux de quitter une situation, où il n’assumait plus un contrôle total. Il va se retrouver à nouveau auprès de quelqu’un, qui, il en est sûr, ne lui disputera pas son autorité. Je ne vous révèle pas tous les détails, mais ce “happy end” final prête à polémique.
Malgré ses qualités, Une Femme à sacrifier reste un film de sexploitation et porte en lui les limites du genre. Même si Konuma parvient à les rendre élastiques...
Une Femme à sacrifier a été présenté au cours de l’Etrange Festival 2005 dans le cadre d’une carte blanche au réalisateur Hideo Nakata, et est notamment disponible en DVD zone 1 aux USA.
[1] Texte de Boris Vian, au chant Magalie Noël, un des premiers essais de rock’n roll en France !



