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Japon

The Street Fighter

aka Gekitotsu ! Satsujin ken | Japon | 1974 | Un film de Shigehiro Ozawa | Avec Sonny Chiba, Waichi Yamada, Tony Cetera, Yutaka Nakajima, Teijo Shikeharo, King Stone, Masashi Ishibashi, Akira Shioji, Osman Yusuf, Ángel Cordero

Mais qu’est-ce donc que ce Street Fighter ? Tout simplement la réponse nippone au phénomène Bruce Lee et au premier choc pétrolier. Egalement le premier film classé X aux Etats-Unis pour sa violence puis R après charcutage. Il ne fut pas distribué à l’époque en France, seul Sister of the Street Fighter, devenu La Kara-tigresse aux poings d’acier, le fut.

Le film commence directement sur Takuma Tsurugi (Sonny Chiba) qui se fait passer pour un prêtre bouddhiste afin de libérer un expert en karaté condamné à mort. Après quelques tribulations qui font le charme de notre héros (et que je ne peux décemment pas révéler maintenant pour ne pas gâcher la surprise, que dis-je la joie de voir à quel point Takuma Tsurugi est compréhensif vis-à-vis des problèmes d’argent de ses contemporains !), celui-ci se voit proposer d’enlever Saraï Charahutte (Yutaka Nakajima), l’héritière d’un magnat du pétrole qui vient de décéder. Un boulot qui lui est offert par la triade des cinq dragons originaire de Hong Kong, elle-même en cheville avec la mafia ! (De yakusas pas de traces nul part.) Résultat on lui propose deux francs, six sous en échange de ses services, Tsurugi ne l’entend pas de cette oreille là, vu la taille du gâteau, pas question de se satisfaire de miettes. Dès lors la triade et sa représentante au Japon (chef-d’œuvre d’exploitation fétichiste, durant les trois quarts du film elle est habillée en tenue de chasse à cour), décide de se débarrasser de lui, considérant qu’il en sait trop sur leur projet. Et bien évidemment, ce sera là une grosse erreur.

Finalement, il se retourne contre les cinq dragons, bien décidé à leur pourrir leur plan. Il va ainsi carrément voir le protecteur de Saraï qui n’est autre qu’un grand maître de karaté, Masaoka (Masafumi Suzuki, c’est lui qui règle les combats de ce film), pour lui proposer ses services. Là encore impossible de décrire le tact et la diplomatie de Takuma Tsurugi. Il se rend directement au dojo du maître, casse la gueule à la moitié des élèves et affronte le maître dans une séquence d’anthologie, véritable publicité pour O’cedar. Et l’on apprend au détour d’un flash-back le pourquoi du comment qu’il se fait qu’il soit un vrai « badmotherfucker ». Tout simplement à cause des derniers mots de son père, fusillé comme traître à la patrie pendant la guerre en Chine alors qu’il étudiait le kempô chinois [1] : « Takuma, ne fais confiance à personne. Dans ce monde tu ne peux compter que sur toi. Apprends à te battre. Endurcis-toi. Deviens le meilleur. Jamais personne ne doit te battre. ». Ajoutez à cela des lacunes dans les rapports sociaux, en particulier vis-à-vis de l’unique ami qu’il a (son sidekick nommé « Chameau ») et des femmes, une allergie totale à l’autorité, voilà le programme de la machine à tuer qu’est Takuma Tusrugi. Son énergie, la rage pure. Son objectif, satisfaire la soif de baston du spectateur, dans un déluge de sang et de mutilations diverses et variées. C’est bien simple tout y passe, strangulation, énucléation (les deux yeux à la fois, avec les doigts bien plantés dans les orbites en gros plan !), émasculation, fractures en pagaille, éclatage de crânes (plan ahurissant la tête de la victime fracassée, montrée aux rayons X en pleine action !), rupture des cervicales à coups de pied, et surtout arrachage à mains nues des cordes vocales, pomme d’adam comprise. Le film se conclut sur un duel désormais mythique en pleine mer, sur le pont d’un pétrolier, sous la pluie, séquence dont on aura aperçu des images dans le True Romance de Tony Scott, écrit par Quentin Tarantino.

Street Fighter, bien que surfant sur le succès des films de kung fu de l’époque, n’est pas qu’une simple réponse japonaise au phénomène. Le film fait certes dans la surenchère côté violence, mais il aurait bien pu nous présenter les aventures d’un justicier bien propret dont le but est d’apporter la paix et la bonne humeur dans les foyer, tout en faisant la stricte promotion des arts martiaux japonais et affirmant leur supériorité sur les autres. Or ce n’est pas le cas, et il va nettement plus loin en nous présentant un personnage sulfureux, mû par son unique intérêt, et l’assouvissement de la rage qui le consume dans la violence la plus extrême. On est très loin des canons du héros martial cinématographique redresseur de tort. Il n’a de respect que pour les bons combattants, ceux qui se battent à mains nues. Bien qu’affublé d’un sidekick comique, qui lui est entièrement dévoué, Takuma Tsurugi ne dévie pas d’un iota de sa ligne conduite. C’est même le mépris qu’il affichera vis-à-vis de son compagnon qui poussera ce dernier au sacrifice pour son maître. Bref, Tsurugi est un personnage hors norme, véritable chevalier noir des arts martiaux.

La galerie des méchants, enfin ceux qui essaient de l’être face au street fighter, est assez
complète - albinos qui joue du couteau, noir violeur ou plutôt formateur en péripatéticienne (les préjugés sont de rigueur dans les films d’exploitation surtout vis-à-vis des étrangers, voir les autres films de la série), masse de muscle, occidentaux couards qui ne comprennent que dalle à la voie des arts martiaux, expert en arts martiaux... Et au passage même Zatoichi se retrouve égratigné dans le film, par l’intermédiaire d’un tueur chinois aveugle qui lui aussi se sert d’un sabre dissimulé dans une canne. A noter la présence d’Etsuko Shihomi qui reprendra le flambeau dans Onna hissatsu ken (Sister of the Street Fighter), et de Jirô Chiba, le jeune frère de Sonny Chiba, les deux ayant des rôles assez dramatiques !

Côté technique rien à redire, du beau scope, quelques plans originaux. Une réalisation efficace. Les combats par contre misent aussi sur le réaliste à quelques exceptions faites de sauts exagérés mais pas trop. Takuma Tsurugi, grâce aux connaissances de Sonny Chiba en matière d’arts martiaux [2], a un style jamais vu et inimitable. Les positions de garde sont éxagérées et souvent basses, les mouvements de transition entre les assauts sont décomposés, et la respiration est également éxagérée. Tsurugi reprend son souffle de manière appuyée, ce qui donne l’occasion à Chiba de faire des grimaces à chaque fois, qui paraîtront sans doute ridicules à certain. Mais qui indéniablement ajoutent beaucoup au côté graphique du personnage. Autre morceau d’anthologie qui constitue ce film, la musique. Le thème est un vrai chef-d’œuvre comme seules les années 70 pouvaient en produire. Bien plus qu’un thème c’est l’hymne du Street Fighter, il s’incrustera dans la tête pour ne plus en sortir.

Pour conclure, Bruce Lee était trop gentil, en plus, gros handicap pour lui, il respectait la gente féminine. Avec Tsurugi, pas de chi-chi, tout le monde est servi !! Sonny Chiba mérite sans problème sa place sur le podium des acteurs martiaux aux côté de Bruce Lee. The Street Fighter est un chef-d’œuvre de l’exploitation des années 70, à consommer sans modération. Ce type de films qui nous manque plus que jamais sur le grand écran, envahi par les tentatives fadasses et les recyclages et hommages tardifs et dénués de toute imagination. En France on se targuait de ne pas avoir de pétrole mais des idées, trente ans après on a toujours ni l’un ni l’autre, juste du nucléaire ras la gueule (personne en plus ne penserait en faire des films d’exploit’ !). Au Japon à l’époque, il y avait du pétrole et des idées, maintenant ils ont au moins conservé les idées. Exploit’ for eveeeeeeeeeeeeeeeeeeeeer !

Edité en DVD zone 2 par HK Video dans le coffret comprenant les 3 Street Fighter ainsi que Sister Street Fighter. Le tout est sous-titré en français.

[1Art martial d’origine chinoise qui a évolué en de multiples styles, adapté entre autre par différents experts japonais revenus de Chine après la Seconde Guerre Mondiale. Cf http://www.kenpo-france.com. Sonny Chiba a entre autre étudié le shorinji-kempô.

[2Shorinji kempo, judo, kendo, ninjitsu , mais surtout karaté kyokushinkaï ; il fut en effet l’élève de Masutatsu Oyama, le créateur du style que Chiba incarnera également à l’écran.

- Article paru le mercredi 26 avril 2006

signé Kaelu San

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