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Hong Kong | Festival du film asiatique de Deauville 2005

Durian, Durian

Hong Kong | 2000 | Un film de Fruit Chan Goh | Avec Qin Hailu, Mak Wai-Fan, Mak Suet-Man

Après avoir filmé la jeunesse Hong-kongaise (Made in Hong-Kong), la rétrocession (The Longest Summer) et l’entrée dans le monde des adultes d’un enfant (Little Cheung), Fruit Chan s’attaque avec Durian, Durian au - malheureusement - seul moyen qu’ont les jeunes femmes du continent de gagner leur vie rapidement dans l’ex-colonie : la prostitution...

Yan, une jeune chinoise de 21 ans, possède un visa de 3 mois pour Hong-Kong. Son but durant ce court laps de temps est de gagner le plus d’argent possible afin de pouvoir vivre confortablement dans sa province natale. Les journées s’enchaînent, tout comme les clients. Tous les jours, Yan passe dans une allée où une petite fille nettoie les couverts d’un restaurant avec sa mère et sa petite sœur ; elle s’appelle Fan et est originaire de Shenzhen en Chine continentale. Ces deux enfants du communisme ont un point commun, leur visa et sa validité... Le temps passe à une vitesse faramineuse et arrive l’échéance tant redoutée ; pour sa dernière journée à HK, Yan a 38 clients ( !). Elle est épuisée et s’endort. Lorsqu’elle se réveille, il ne lui reste qu’une heure avant son départ...

Petit à petit, Fruit Chan, réalisateur de talent, se construit une œuvre internationalement reconnue qui tourne autour des exclus de la société chinoise. Il est évident que son cinéma est bien loin de la majeure partie de la production locale ; pas de stars dans ses films, preuve en est dans ses deux dernières œuvres - The Longest Summer (un chef-d’œuvre sous estimé) et Durian, Durian - les acteurs sont des non-professionnels, ce qui d’ailleurs n’empêche pas les vedettes de l’île de s’intéresser de près à lui, puisque c’est en partie grâce à Andy Lau Tak-Wah (Shanghai Grand, A True Mob Story) que Fruit Chan pu tourner The Longest Summer. De plus les sujets choisis par le cinéaste, sont à mille lieux des préoccupations d’un Wong Jing ou d’un Jackie Chan... mais les deux sont nécessaires à la bonne santé d’un des rares cinéma qui tienne face aux blockbusters du pays des libertés... En tous cas, la HKFCS (Hong-Kong Film Critic Society) ne s’est pas trompée en récompensant Durian, Durian de l’award du meilleur film et de la meilleur actrice pour Qin Hailu.

Comme à son habitude, Fruit Chan, et plus particulièrement sa caméra, se fait discret. A la manière d’un documentaire, il nous montre, sans nous guider. Il ne plaint pas Yan, et ne la rend pas fragile et malheureuse à nos yeux. Non, ce film est avant tout un constat d’une société qui se cherche, entre ses racines et la modernité. En fait Yan est une "image animée" de la Chine. Durian, Durian contient d’ailleurs deux films en un ; la première partie, à HK, nous montre la vie - difficile - pour les immigrés continentaux qui sont sujets au racisme et à l’exclusion. La deuxième partie quant à elle, nous montre une Yan que l’on a du mal à reconnaître, dans une Chine plus proche du début du siècle que du troisième millénaire.

"Et le titre ?", me direz-vous. Le durian est un fruit (le roi des fruits s’il vous plaît !) aimé ou détesté ; ceux d’entre vous qui y ont déjà goûté savent à quel point il dégage une "forte" odeur (...forte c’est le moins que l’on puisse dire !!), et qu’il a un goût, disons... "parfumé" ! Son odeur est d’ailleurs sujet de plaisanteries dans le film. A propos du durian - et de son film, Fruit Chan déclara : "Le durian est un fruit tropical très étrange. Les gens l’aiment ou le détestent ; Tout comme les gens qui sont soit enchantés, soit révulsés par Portland Street [1] et ses habitants". Le durian est un peu l’élément "heureux" du film, il apporte le réconfort... il pourrait être une sorte de "madeleine" de Proust, par le sentiment qu’il procurera à Yan revenue dans sa province natale.

Une fois encore, Fruit Chan nous offre un film très réussi ; certes on aime ou on n’aime pas, mais il a au moins le mérite d’être "vrai" et de nous faire découvrir un monde à travers les yeux d’une petite fille et d’une jeune "paumée", que l’on voit d’habitude du côté des triades et autres Bad guys à la mèche rebelle... Merci Monsieur Chan, et continuez à faire d’aussi beaux films...

A priori, le film n’existe pour le moment qu’en VCD, au format avec sous-titres Anglais et Chinois.

[1En deux mots, c’est le quartier de Hong-Kong "réservé" aux prostitués et aux triades.

- Article paru le mercredi 4 juillet 2001

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