Yoshihiro Nishimura & Yumiko Hara
Si vous êtes un fidèle lecteur de Sancho, le nom de Yoshihiro Nishimura vous est familier. Le nouveau roi du gore japonais était l’un des invités de la 17ème édition de L’Etrange festival, où nous l’avons rencontré en compagnie de la charmante Yumiko Hara, l’héroïne de son dernier film : Helldriver. Je l’ai interrogé sur son sens de l’esthétique et sur ses sources d’inspiration.
Sancho does Asia : Un de nos lecteurs voulait savoir pourquoi de nombreuses actrices porno jouent dans les films auxquels vous participez ?
Yoshihiro Nishimura : Parce que je veux voir les nichons des Japonaises. La plupart de ces actrices veulent devenir de « vraies » actrices, elles peuvent supporter beaucoup de choses, comme beaucoup de sang à l’écran. Les actrices traditionnelles ne le supportent pas.
Justement, pourquoi, Yumiko Hara, avez-vous accepté de jouer ce rôle difficile ?
Yumiko Hara : J’ai participé à une audition organisé par Yoshihiro Nishimura car je voulais jouer. Mais à ce moment-là, je ne connaissais pas vraiment le scénario du film, qui n’était pas encore achevé. Je savais juste qu’il y aurait beaucoup de sang dans le film. Mais je ne m’imaginais pas à quel point il y en aurait. Je me suis fait le réflexion que je n’avais jamais fait une telle chose dans ma vie ; cette expérience m’intéresse, je veux la tenter.
Pourquoi avoir choisi Yumiko Hara ?
Une centaine de filles sont venues à l’audition et Yumiko Hara était la deuxième candidate. Quand je l’ai vue pour la première fois, j’ai décidé tout de suite que je la choisirai. Le producteur n’était pas sûr et il m’a demandé si moi je l’étais. Je lui ai répondu par l’affirmative, mais j’ai encore vu 90 autres actrices. J’adore ses yeux, son regard.
Comme beaucoup de monde, j’ai été impressionné par votre imagination. D’où vous vient votre inspiration ?
Mes idées viennent souvent de mes rêves. Sinon, elles surgissent quand je prends un verre dans un bar pendant la journée. Le peintre Salvatore Dali est aussi une de mes sources d’inspiration. Je l’aime depuis l’école primaire. Quand je n’ai plus d’idée, je regarde ses œuvres. Dali était un artiste surréaliste et ses œuvres contiennent une dimension de critique sociale. C’est à ce niveau que je trouve beaucoup de point commun avec mes pensées.
On trouve toujours des commentaires sociaux dans vos films. Je pense à la description de la police dans Tokyo Gore Police, ou au Premier ministre japonais dans Helldriver qui revêt un uniforme militaire et utilise l’ancien drapeau impérial japonais...
C’est exactement ce que je fais. Je déteste la police. Je déteste aussi le gouvernement japonais, surtout depuis l’accident nucléaire de Fukushima car il a toujours caché des informations sur le niveau de la radioactivité.
Vos films montrent des scènes horribles, mais qui sont esthétiquement belles. Je pense notamment aux plans de femmes qui sont contaminés par des jets de sang. Qu’est-ce que vous trouvez beau ?
Pour moi, la beauté est synonyme de la couleur rouge. Je voulais évidemment faire des films gore, sans pour autant qu’ils soient laids. Le sang signifie pour moi une sorte de fête. Le sang est un feu d’artifice. J’habite le quartier d’Asakusa à Tokyo et beaucoup de fêtes populaires traditionnelles sont organisées dans ce quartier. J’ai toujours vécu dans cette ambiance festive. Surtout, il s’agit d’un site touristique visité par de nombreux étrangers. Je sais depuis mon enfance ce que les étrangers apprécient dans la culture japonaise.
Avez-vous été surpris de votre succès à l’étranger ?
Je fais simplement ce que j’aime bien faire, ce qui amuse les gens. En tout cas je ne fais pas vraiment attention au public japonais, qui ne s’intéresse pas aux films gore ou aux film d’horreur.
Vos films contiennent des figures récurrentes : la mutation et la fusion femme-machine. Qu’est ce qui vous fascine dans ces figures ?
J’adore tout ce qui touche à la mutation. Je suis avant tout un artiste de maquillage pour les effets spéciaux. J’ai toujours travaillé sur ce qui change, qui mute, parce que j’aime bien voir le corps humain se transformer complètement. Je ne sais pas pourquoi, mais il s’agit de l’un des thèmes de ma vie. Vous avez parlé de la fusion de la femme et de la machine, mais ce n’est pas forcément avec la femme. J’aime bien que deux choses fusionnent pour en créer une nouvelle. Déjà tout petit, j’adorais les robots créés à partir d’éléments différents. Sinon, j’aime tout ce qui vole dans le ciel. Je suis un fan des œuvres de Go Nagai, le créateur de Goldorak. Mon rêve serait d’adapter son Devilman. C’est une histoire de démons qui a déjà été adaptée au cinéma, mais le film est vraiment nul. Je suis convaincu que ce n’était pas cela, Devilman. Le film est vraiment nul, mais je suis sûr que le DVD de la version live de Devilman est disponible en Europe. Je veux vraiment réaliser une autre version, mais ce n’est pas pour tout de suite. Depuis l’adaptation loupée de Devilman, Go Nagai n’est plus d’accord avec n’importe quel projet de film en live et c’est bien dommage.
Vos films sont outranciers, mais vous ne basculez pas dans le grotesque. Est-ce important pour vous d’atteindre cet équilibre ?
Quand je veux montrer quelque chose de beau, je montre énormément de sang. J’ai utilisé quatre tonnes de sang pour Helldriver. Et quand je veux qu’il soit laid, j’utilise très peu de sang. C’est parce que je montre abondamment quelque chose que ce n’est plus grotesque. Je planifie tout avant le tournage. Helldriver contient 3500 plans et ils sont tous dans mon storyboard. Quand j’ai achevé mon storyboard, je me suis rendu compte que je devrais tourner 300 plans par jour, soit un plan toutes les trois minutes. En effet, le tournage devait durer deux semaines. Ce fut très dur pour les comédiennes.
Justement, Yumiko Hara, comme se déroule un tournage avec Yoshihiro Nishimura ?
Ses tournages sont très animés, mais surtout par des choses inimaginables. Comme des événements se passent toutes les trois minutes, il est difficile de suivre.
Quelles choses inimaginables ?
Dans Helldriver, le cœur de mon personnage est arraché, et à ce moment-là du sang jaillit juste en dessous de mon visage. Évidemment quelqu’un lançait ce sang qui rentrait dans mes yeux, dans mon nez et dans ma bouche. Je ne l’avais pas prévu. J’ai vraiment failli être étouffée. Le personnage souffre dans le film, mais j’ai aussi réellement souffert au cours du tournage. Les spectateurs peuvent le voir à l’écran..
Yoshihiro Nishimura : Elle a manqué de mourir deux fois.
Quelle a été l’étape la plus marquante de votre carrière ?
Quand Sono Sion a réalisé son film commercial, Suicide Club, j’ai participé en tant que maquilleur pour les effets spéciaux. Ce film a marqué le début de ma carrière. Avant Suicide Club, Sono Sion et moi n’avions pas d’argent et nous buvions souvent des verres dans la chambre de ma maison natale. Sono Sion n’aimait pas particulièrement les films d’horreur, contrairement à moi qui en regardait tous les jours. Il ne comprenait pas pourquoi j’aimais autant ces films. Je lui ai demandé pourquoi il ne tournerait pas un jour un film d’horreur. C’est ainsi que Sono Sion a monté ce projet.
Vous travaillez sur des projets actuellement ?
Juste avant mon arrivée à Paris, je travaillais sur un film. J’en suis le producteur, mais j’aide aussi le réalisateur, l’artiste contemporain Takashi Murakami. Il s’agira de son premier film. Le tournage s’est terminé la veille de mon départ.
Quelle est la part du budget de vos films allouée aux effets spéciaux ?
Ils représentent de 10% à 15% du budget car je ne peux pas faire plus en raison des autres frais. Je voudrais utiliser une part plus importante du budget pour les effets spéciaux, mais c’est impossible.
Interview et photo : Kizushii. Remerciement à Xavier Fayet et à l’équipe de L’Etrange Festival.