Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Hong Kong

Re-Cycle

aka Gwai Wik | Hong Kong | 2005 | Un film de Oxide et Danny Pang | Avec Angelica Lee Sinje, Lawrence Chou, Siu-Ming Lau, Rain Li, Jetrin Wattanasin, Qiqi Zeng

Chu Xun est l’auteur d’une trilogie romanesque amoureuse, fraîchement adaptée pour le grand écran avec le même succès que sur le papier. De son vrai nom Tsui Ting-Yin, la jeune romancière est cependant dans une impasse : alors que son agent, dans un soucis de stratégie promotionnelle, a déjà annoncé la sortie de son prochain roman, The Re-Cycle, Ting-Yin ne parvient même pas à tracer les contours de l’héroïne de cette histoire, qui s’annonce surnaturelle et peuplée de fantômes. Autre bouleversement dans sa vie, le retour de celui qui lui a inspiré sa trilogie amoureuse, cet homme marié qui l’a abandonnée huit ans auparavant... Frustration et colère perturbent la perception de l’écrivain, qui ressent le débordement de bribes de sa fiction, ébauches rejetées à la va-vite, dans son quotidien. Ses histoires deviennent-elles réalité, ou ses hallucinations lui offrent-elles l’inspiration ? Toujours est-il qu’un soir, Ting-Yin se retrouve projetée dans un monde de chimères, instable et inquiétant, dont elle va devoir comprendre la nature pour retrouver sa réalité...

Virtuoses pour certains, roublards pour d’autres, les frères Pang divisent, depuis leurs débuts, les spectateurs et les critiques, que ce soit dans leurs œuvres à deux ou à quatre mains. A l’image d’Ab-Normal Beauty, dont certains se souviendront peut-être que je suis un fervent admirateur, Re-Cycle ne risque pas de calmer le débat : œuvre personnelle transcendée par les technologies numériques ? Bric à brac synthétique à tous les niveaux, visuellement comme narrativement ? Chacun tranchera ; la vérité toutefois, se situe certainement à mi-chemin, Re-Cycle puisant sa personnalité schyzophrène aussi bien dans le mainstream racoleur que dans l’expérimental nihiliste.

L’ouverture de Re-Cycle fait honneur à son titre : notre rencontre avec Ting-Yin, jeune femme taciturne et solitaire, n’est pas une rencontre en face à face, mais celle, indirecte, que l’on fait par le biais d’intermédiaires, hérités des schémas horrifiques contemporains les plus éculés, ceux-là même que les réalisateurs ont exploité avec succès dans The Eye. Apparitions capillaires incertaines, téléphones vecteurs de l’au-delà... Re-Cycle recycle effectivement les figures d’inquiétude du cinéma de genre asiatique des dix dernières années pour dresser un portrait périphérique, contextuel de son héroïne. Un motif qui, s’il trouvera sa pertinence dans la suite du métrage, va déjà plomber quelque peu la réussite du film en instaurant avec le(s) personnage(s) interprété(s) par Lee Sinje une distance inconfortable, une relation impersonnelle. Ting-Yin pourtant, est effectivement une personnalité changeante et de contextes, puisqu’elle est de ses propres mots, la somme de toutes les Chu Xun à qui elle prête sa plume. Comme nous allons le découvrir au cours de sa plongée dans l’au-delà de la mémoire et non de la vie, Ting-Yin est aussi la somme de ses oublis, de ses idées rejetées, de ses amours et proches abandonnés.

Car l’univers parallèle, prétexte des nombreux tableaux CGI qui composent le film, n’est pas celui des morts, mais celui des choses et des êtres oubliés, des idées, des possessions, des personnalités perdues et/ou reniées... un agrégat changeant de mémoires qui pourrait être les limbes personnelles de l’héroïne si Oxide et Danny Pang n’éprouvaient pas tant de difficulté à les lui approprier. Partagés entre l’envie de conter une belle histoire (penser aux morts oubliés), une tragédie sordide (la relation qui unit Ting-Yin à la petite fille qui va tenter de l’aider à rejoindre le monde réel), ou encore de peindre un cauchemar aux milles textures, libre et flottant, les réalisateurs omettent de choisir un point de vue de narration, et plus encore un objectif narratif, et par conséquent émotionnel. Re-Cycle doit il faire peur, réfléchir, pleurer ? Peut-être un peu de chaque, mais de façon morcelée, à l’image des tableaux dissociés qui le composent, toujours séparés par des coupures brutales plutôt que par des fondus visant à fludifier le périple de Ting-Yin.

Il est évident que, en réalité, les tableaux du film sont l’invention de la romancière, son propre purgatoire émotionnel. Ce qui perturbe leur lisibilité est cette volonté des auteurs, dans l’annonce de - l’inutile ? - twist final, de faire de Ting-Yin un être divisé - ce qu’elle est, soit, comme tout écrivain - au point de l’instabilité physique, de la séparation. Car ce faisant, cet univers qu’ils voulaient personnel - seul moyen de lui conférer une véritable cohérence ainsi que la complétude qui lui manquent de beaucoup - devient pluriel, rempli d’impasses et de pistes non explorées. Dans cette constatation étonnamment, Re-Cycle justifie une fois de plus son titre, illustrant parfaitement son cycle, à la fois créateur et destructeur, d’émotions sans cesse revisitées et réinterprétées. Mais ce jusqu’au-boutisme formel a pour conséquence de maintenir le spectateur à distance, trop omniscient pour se laisser emporter dans ce qui aurait pu être une délicieuse bien qu’extrêmement morbide perte de repères. Reste au final un florilège d’images étonnantes, une œuvre on ne peut plus atypique et par conséquent courageuse, et surtout l’omniprésence de Lee Sinje, magnifique comme à son habitude. On aurait toutefois préféré conserver autre chose en mémoire de Re-Cycle, que les simples possibilités qu’il s’évertue si techniquement à évoquer.

Re-Cycle est disponible en DVD hongkongais dans plusieurs éditions chez Universe. La "Collector" est superbement packagée, agrémentée de suppléments sous-titrés en anglais et de deux très jolis livrets d’artworks.

- Article paru le vendredi 27 octobre 2006

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