Mother
To die for.
La sélection en compétition officielle à Cannes comporte une dimension politique, mais je ne peux m’empêcher de m’étonner des choix qui sont faits. Pourquoi diantre, Bong Joon-ho est-il cantonné aux sections parallèles quand son compatriote Park Chan-Wook a eu une nouvelle fois les honneurs du tapis rouge ? Bong Joon-ho risque de subir le sort de Johnnie To, qui a été sélectionné non pas pour la qualité de son film - il en a réalisé des biens meilleurs que Vengeance - mais en raison de la présence au générique de notre rocker national. Une occasion a donc une nouvelle fois été manquée de mettre en valeur un réalisateur capable de faire un cinéma populaire et de qualité.
Mother dresse le portrait d’une femme qui veille jalousement sur son unique progéniture : son fils. En temps ordinaires elle le couve déjà car c’est un simple d’esprit. Il oublie dans la minute ce qui vient de se passer lors de la précédente. La vie de cette mère va être bouleversée lorsque son fils sera arrêté pour le meurtre d’une lycéenne et qu’il avouera. Elle mettra alors tous les moyens en œuvre pour prouver son innocence. TOUS.
Bong Joon-ho met en musique une partition qu’il nous a déjà jouée. Il s’intéresse toujours à des gens ordinaires - la mère travaille dans une petite herboristerie - qui doivent prendre leur destin en main. Au passage ses films servent de révélateurs à certains côtés sombres de la Corée. Les détenteurs du pouvoir en particulier en prennent pour leur grade. Les policiers dans Memories of Murder, les politiciens dans The Host et l’avocat dans Mother se caractérisent par leur impéritie et leur égoïsme. Mother nous en offre une illustration incroyable lors d’une scène dans un karaoké. L’avocat du fils, fin saoul et en compagnie de call girls, mais aussi d’anciens camarades d’université bien placés pour arranger l’affaire, propose à la mère un accord. Son fils plaidera la folie et il ne sera condamné qu’à quatre ans de prison. A-t-on vu passer le temps entre les deux Coupes du monde de football au cours desquelles l’équipe coréenne s’est distinguée ?, demande-t-il à la mère dans un bel étalage de cynisme.
L’avocat est un personnage haut en couleurs comme le réalisateur coréen sait bien les croquer. La réussite du film ne serait pas complète sans la prestation impeccable de l’actrice Kim Hye-ja dans le rôle titre. Elle porte tous les masques du jeu dramatique, de la mère éplorée au témoin froid de l’interrogatoire sanglant d’un adolescent.
Son enquête pour innocenter son fils est le moteur dramatique du film, mais celui-ci traite surtout de la culpabilité. Son comportement limite ne s’explique pas seulement par sa fibre maternelle. Elle a aussi quelque chose à se faire pardonner. Quant à ses actes, ils aboutiront au résultat inverse en matière de la morale à celui qu’elle recherchait au départ. Le dénouement du film donnerait une attaque cardiaque à un producteur hollywoodien...
Rien n’est jamais ce qu’il parait être chez le réalisateur coréen. Dans Mother, il n’y pas de salauds intégraux, pas de saintes, chacun a sa part de lumière et d’ombre. Dans le même esprit, Bong Joon-ho continue de pratiquer avec talent le mélange des genres. Ici, la comédie bascule dans le drame au détour d’un plan, mais il s’agit aussi d’un film psychologique, policier...
A la richesse de tons et de thèmes répond celle de la mise en scène : cadre soigné, belle idée de montage... Mother fait partie de ces films que l’on prend plaisir à revoir, même si les tenants et les aboutissants de l’histoire nous sont connus. Bong Joon-ho fait un cinéma généreux et intelligent, et on l’en remercie.
Mother sort sur les écrans français ce mercredi 27 janvier 2010.