Long Arm of the Law
Tung est un immigrant illégal à Hong Kong, une petite frappe ayant momentanément abandonné son gang sur le continent le temps de préparer un coup juteux dans la colonie... et ça tombe bien : le Boss d’un gang tout aussi minable lui commandite le vol d’une bijouterie à Kowloon. Tung retourne donc en Chine le temps de réunir ses hommes : une troupe de joyeux bons à rien, certes, mais dont les capacités sont démultipliées par leur loyauté les uns envers les autres. Alors que Tung rejoint son "pays d’accueil" par ses propres moyens, ses amis tentent de le rejoindre. Mais, dés le début du périple, les voleurs wannabees se heurtent à la malchance, et l’un d’entre eux se fait éliminer sans sommation par deux soldats chinois à la frontière. Rendus sur place, les bévues continuent, et après une fusillade sans pitié dans les rues de Hong-Kong, le groupe dirigé par Tung devient l’ennemi public numéro un de la police locale. Cet incident conduit les cambrioleurs en herbe à repousser leur hold-up de quelques jours. Seulement, le commanditaire de Tung ne l’entend pas comme ça : il s’est engagé à livrer la marchandise à son revendeur le jour-même. Du coup, il se permet de demander une faveur à Tung : éliminer un soi-disant criminel notoire - qui s’avèrera être "Fatty", un flic undercover. Cette fois-ci, la police met les bouchées doubles pour arrêter le "O gang", et entame une poursuite qui n’a que fort peu d’issues pour les traqués...
La trilogie des Long Arm of the Law n’est pas une série à proprement parler, puisque l’on n’y retrouve aucun personnage récurrent. Ce qui réunit les trois films (le premier réalisé par Johnny Mak, les deux autres par son frère Michael), c’est le sujet qu’ils abordent - à savoir la lutte de la police hongkongaise contre des gangs venus illégalement de Chine continentale. Réalisé en 1984 sous la houlette de producteur de Sammo Hung, Long Arm of the Law préfigure le heroic-bloodshed véritablement lancé en 1986 par A Better Tomorrow de John Woo, ainsi que l’atmosphère des films de Ringo Lam - particulièrement la série des On Fire (City on Fire /1987, Prison on Fire /1987, School on Fire /1988 et Prison on Fire II /1991) - et de bon nombre de films de Kirk Wong.
Le rapprochement avec le chef d’œuvre de John Woo se fait au travers de l’incroyable scène finale du film, un gunfight se déroulant dans les ruelles étroites de la "Walled City" de Kowloon. On y reconnaît le mexican stand-off cher au réalisateur de The Killer, mais aussi le thème de la fraternité à toute épreuve. Il y a même une séquence dans le film dans laquelle Tung, flingue au poing, crache violemment son cure-dents par terre alors qu’il s’apprête à tirer sur un policier ; scène que l’on retrouvera, inversée pour l’occasion, à l’ouverture de Hard Boiled en 1992.
Cependant, les similitudes avec John Woo ne sont pas si nombreuses que les historiens du cinéma HK voudraient bien nous le faire croire. Long Arm of the Law procède d’une démarche bien particulière, presque documentaire (les acteurs sont tous d’illustres inconnus), à mille lieux du côté glamour offert à ses personnages par Woo. Ici, les gangsters sont des losers, sans véritable personnalité ni identité, et ils sont confrontés non pas à un flic acharné mais à un système encore plus uni qu’eux, une police qui fait figure de véritable entité. La violence est sèche et mise en scène avec brio, au cœur des affrontements, et aucun parti-pris n’est adopté par Johnny Mak, qui se contente de valoriser la loyauté, qu’elle unisse gangsters ou membres des forces de l’ordre.
L’acharnement qui finira par opposer les deux groupes dans une lutte particulièrement immorale (voire l’utilisation des innocents au cours de l’affrontement final) termine de rapprocher Long Arm of the Law des films de Ringo Lam, ainsi que de certains Kirk Wong : de Crime Story à Full Alert en passant par OCTB et School on Fire, autant de films qui ont montré de tels affrontements avec une même impartialité, démonstrative et hautement efficace. Dans tous ces films, les méchants ne sont pas ceux qui s’opposent à la loi, mais ceux qui trahissent leurs proches. La loyauté devient la valeur la plus importante de la société HK - ce qui n’est pas surprenant, puisqu’on y retrouve en sous-couche le problème d’une véritable unité de la population de la colonie face à une crise d’identité alors en plein boom, bien que de manière sournoise.
Véritable western urbain qui fleure bon le Wild Bunch désespéré (c’est dire si le film paraît sans issue), Long Arm of the Law a quelque peu vieilli, mais on sent encore aujourd’hui l’influence que ce drame policier a eu sur l’ensemble du cinéma HK. Mis en scène avec force, c’est donc un classique que chacun se doit de voir au moins une fois et de respecter, en dépit de quelques maladresses et défauts, pour ce qu’il est : à savoir une étape majeure du cinéma HK, sombre, violente, mais extrêmement puissante - et surtout passionnante.
En DVD chez Media Asia... Comme d’habitude, les disques pressés par l’éditeur nous permettent de constater que les Hong-Kongais n’ont vraiment que faire de la conservation de leur patrimoine culturel : la copie est plus abimée que si film datait des années 50, les couleurs sont passées, les sauts de bobines nombreux... Bref, impossible de faire du bon boulot à partir d’un tel matériau, surtout qu’il n’est pas dans l’habitude HK de remasteriser des films. Ceci étant, la compression est tout de même au-dessus de la moyenne.
Le 5.1 est correct sans plus, les sous-titres aussi. En guise de suppléments : quelques bandes-annonces (dont Long Arm of the Law II et Black Cat), filmos et biographies.


