Hiruko the Goblin
Lorsque Tsukamoto s’immisce dans le mainstream...
Reijirô Hieda, un archéologue banni de l’académie des sciences en raison de ses positions sur l’existence d’esprits, reçoit un beau jour une lettre de l’un de ses amis, Takashi Yabe, professeur dans un collège. Ce dernier y affirme qu’il a découvert un tombeau enfermant des démons. Hieda, qui voit alors le meilleur moyen de réintégrer son poste, décide de s’y rendre. Arrivé sur place, il découvre que Yabe et l’une de ses élèves, la jeune Reiko, ont disparu sans laisser la moindre trace. Les rumeurs vont bon train, jusqu’à ce que la jeune fille réapparaisse...
Deuxième long-métrage de Shinya Tsukamoto après le génial Tetsuo (1989) - qui est d’ailleurs un moyen métrage -, Yôkai Hantâ Hiruko, œuvre de commande de la Shochiku, est précédé d’une réputation fort peu glorieuse... La question que l’on est en droit de se poser après la vision du film est : pourquoi ? Les détracteurs de cet Hiruko sont légions. Par snobisme ? Certainement ! Trop banal, classique, voir même bancal pour certains, le deuxième long-métrage de Tsukamoto a pourtant toute sa place au sein de la filmographie de son metteur en scène...
Shinya Tsukamoto, génie du 7ème Art obsédé par la technologie, la ville, les corps en mutation, la déformation des chairs et les expérimentation visuelles de tous types, se retrouve ici dans une position qui lui convient parfaitement ; il est certes employé par un grand studio - Shochiku -, mais il a totale carte blanche pour faire ce que bon lui semble. Tsukamoto décide donc de se replonger dans sa jeunesse, et laisse libre court à son imagination en adaptant le manga Yôkai Hantâ - Kairyûmatsuri no Yoru de Daijiro Moroboshi...
Hieda, ex-archéologue un peu doux-dingue et trouillard armé de sa bombe anti-cafards, se ballade avec ses gadgets en tous genres dans un univers on ne peut plus hostile. Aidé par le jeune Masao, fils de Yabe, il va maladroitement tenter de refermer la brèche ouverte par les démons... Masao, par qui la prophétie pourra se réaliser, est focalisé vers son destin par Hieda, et diverses rencontres qu’il fera tout au long de cet épouvantable périple...
Typique film de fantômes nippons, Yôkai Hantâ Hiruko peut certes décontenancer le spectateur adepte de Tsukamoto par son côté mainstream clairement revendiqué. Le génial créateur de Tokyo Fist (1995) apporte pourtant tout son savoir-faire à ce conte fantastique, qui mêle grotesque et aventure, dans un univers totalement en accord avec celui auquel il est - et nous a - habitué. Le thème récurrent dans l’œuvre Tsukamotienne de la transformation du corps humain, atteint ici une sorte d’écho paroxysmique, matérialisé par des humains transformés en démons aux corps d’arachnides... Shinya se fait plaisir, en insérant des éléments animés image par image, ce qui confère au film un charme désuet irrésistible...
...mais le côté mainstream du film, peut être également perçu au niveau de son casting, puisque l’on retrouve, dans le rôle principal, l’excellent Kenji Sawada (Taiyô wo Nusunda Otoko, Revolver). Le chanteur/acteur incarne à merveille ce Géo Trouvetou nippon, personnage à la fois fort et lunaire, enfantin et adulte... A ses côtés, autant de pointures que Naoto Takenaka (Tôkyô Biyori), qui campe ici le malheureux Yabe, Kimiko Yo (Gonin 2), et surtout l’immense Hideo Murota (Jingi Naki Tatakai, Shinde mo ii) dans le rôle de Watanabe, gardien de l’école/cimetière de démons. Murota, grand acteur à la filmographie éclectique de plus de cent quatre-vingt cinq films, enlevé en Juin dernier à l’âge de soixante-quatre ans par un cancer des poumons...
Avec Yôkai Hantâ Hiruko, Shinya Tsukamoto transporte une partie de son univers dans le monde des grands studios... Pourtant, il reste considéré aujourd’hui comme un film maudit, voir même renié par son metteur en scène. Que nenni ! Tsukamoto aime son film - il l’ "avoue" lui-même -, qu’importe ce qu’en pensent ses - nombreux - détracteurs ! A la fois surprenant, dépaysant et infiniment poétique, Hiruko est tout simplement un très bon film, très proche des préoccupations de son auteur qui, dans ce voyage fantastique, ne perd en aucun cas son "âme"...
DVD (Japon pas vu) | Beam Entertainment | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:85 - 16/9 | Son : Mono.
Suppléments : Trailer, galerie de photos, making of, storyboard, filmographie de Tsukamoto...
Ce DVD ne contient pas le moindre sous-titre.
DVD (France) | Studio Canal | PAL | Zone 2 | Format : 1:1:85 - 16/9 | Images : Un transfert anamorphique coloré sans le moindre défaut | Son : Mono d’origine ou 5.1 (5.1 Arkamysé légèrement surfait, mais plutôt réussi).
Suppléments : Double feature (on ne trouve Hiruko que couplé au film Gemini -Sôseiji-) qui comprend, outre l’excellent et barré moyen métrage Denchu Kozo no Boken (1987), 2 interviews de Tsukamoto, 2 présentations signées par l’inénarrable Jean-Pierre Dionnet, trailers, ainsi qu’un livret "collector"...
Ce(s) DVD contien(nen)t des sous-titres français imposés.
Il existe également une VHS japonaise (NTSC), au format et sans sous-titres.



