Guerre des Gangs à Okinawa
Fukasaku m’a tuer ("tuer" avec "er", c’est fait exprès !...)...
...ben ouais, Fukasaku m’a tué ce soir. Là il est 2 heures du mat’, et à 21 heures 30 j’ai assisté à la projection du deuxième des six films de Kinji Fukasaku présentés pour l’hommage qui lui est rendu à l’Etrange Festival, j’ai nommé Bakuto Gaijin Butai ou, si vous préférez, Guerre des Gangs à Okinawa...
Un yakuza (Koji Tsurata) qui vient de passer dix ans derrière les barreaux, se rend compte dès sa sortie de prison, que les choses ne sont plus ce qu’elles étaient au début des sixties... Notre anti-héros et ses hommes, sans argent, décident donc d’aller tenter leur chance à Okinawa... Bon voilà pour le gros de l’histoire, qui je vous rassure est un peu mieux que ce que j’ai pu en écrire, mais passons. Fukasaku filme ici "ses" personnages, il les aime et ça se sent ! Dès le départ, on sait pertinemment qu’ils sont condamnés, de par leur nombre face aux ennemis d’une part, et de par la façon dont ils vivent, ou plutôt la manière dont ils attendent... ça vous fait penser à quelque chose ?... Et bien oui, et malgré ce que peut dire le grand Kitano, il me paraît très étrange qu’il n’ait pas vu ce film, qui se rapproche étrangement de son magnifique Sonatine...
Cyniques à souhait, nos personnages évoluent d’un bout à l’autre du film de la même façon ; ils se font des ennemis partout où ils passent (que ce soit au Japon même ou à Okinawa), chez les yakuza ou même chez les américains. Les acteurs, tous exceptionnels, s’en donnent à cœur-joie dans l’art de la pose... car tout comme dans le génialissimmement barré Versus (Ryuhei Kitamura /2000), ici il n’y a que des poseurs, mais des poseurs "classes" ; Koji Tsurata va même jusqu’à garder ses lunettes de soleil au lit ! C’est y pas beau tout ça ?! Sans vous parler du très grand Tomisaburo Wakayama - oui, oui, le même que dans les Baby Cart - en chef yakuza manchot... il faut le voir éviter une voiture en réalisant un double salto arrière pour le croire... c’est carrément surréaliste et cela prouve surtout l’humour de Fukasaku, qui fait tout pour que l’on trouve ses "héros" sympathiques, et il y parvient sans le moindre souci.
Le final, désespéré et tragique, est très "théâtral" du point de vue du jeu des acteurs ; un futur-mort n’hésitera pas à "mourir pendant des heures" devant la caméra, comme lorsque Takeshi Kitano parodiait les films de yakuza dans son Minna Yatteruka ! (Getting Any ?! /1994). Ajoutez à tout ça une utilisation du scope magistrale (ce qui est rare, finalement), une mise en scène à la limite de l’épilepsie carabinée lors des gunfights ou autres scènes d’action (caméra épaule qui bouge dans tous les sens) et une musique jazzy qui pourrait être un étrange mélange de Morricone, Zorn et Takemitsu, et vous comprendrez volontiers que Bakuto Gaijin Butai est un grand film, auquel mon pseudo-article à deux balles tente de rendre un ersatz d’hommage en en parlant tout simplement... c’est l’intention qui compte, et puis, la meilleure chose que l’on puisse faire pour un film, c’est de le voir et l’apprécier...