Election 2
Au cours de sa prolifique carrière Johnnie To a fait parfois de mauvais films, Yesterday One More , ou de bons, The Mission, qui l’a fait découvrir au grand public en France. Avec Election 2, le réalisateur hongkongais franchit un écran supplémentaire, en nous proposant un grand film, rien de moins.
Comme tous les deux ans, la triade Wo Sing, la plus ancienne de Hong Kong, doit élire un nouveau chef. Mais quelques années après sa rétrocession à la Chine Populaire, la situation à Hong Kong a bien changé. Les triades ont désormais à faire avec le parti communiste chinois, et non à une police qui n’en pouvait mais. Ayant pris le goût du pouvoir, Lok souhaite briguer un second mandat, mais la tradition s’y oppose. Jimmy, fort de son succès dans les affaires, apparaît comme son successeur logique, mais il préférerait devenir un honorable businessman. Son voeu le plus est cher est de posséder une villa sise sur une colline dominant un paysage millénaire de rizières, où ses enfants grandiront avant de devenir médecin ou avocat. Une aspiration à la respectabilité bien loin du milieu des triades.
Election 2 contient des séquences d’une violence parfois difficilement soutenable. Mais Johnnie To sait intelligemment la mettre en scène en refusant le voyeurisme, laissant deviner l’action plutôt que l’exhiber crûment. La scène du chenil, appelée à devenir une scène d’anthologie comme de celle Joe Pesci et de l’étau dans Casino , en constitue le brillant exemple. Le risque aurait été de voir le film basculer dans le grand guignol. Là où certains réalisateurs hongkongais ont fait le choix de l’esbroufe marketing, Johnnie To préfère adopter une mise en scène toute en retenue, qui parcourt le film comme l’énergie vitale, le corps.
Johnnie To prend prétexte d’un film sur les triades pour explorer les transformations économiques et politiques subies par Hong Kong au cours de ces dernières années. Ce sous-texte fait la richesse d’un film, qui peut aussi s’apprécier comme un pur polar. Initialement créée pour que l’unité (Wo) entre ses membres renforce son pouvoir, le système des triades est gangrené par un individualisme de plus en plus forcené. En clôture d’Election 1, la figure de gangster policé de Lok, héritier, soit disant, de la tradition, avait volé en éclat dans un déchaînement une violence venu du fond des âges. Le pouvoir et l’argent sont devenus les nouveaux dieux.
Le second film voit l’émergence de la nouvelle triade, de l’homme nouveau en la personne de Jimmy, fils du gangstérisme et du capitalisme sauvage. Il aspire à devenir un businessman respectable, mais va faire montre de la plus implacable inhumanité, tachant littéralement l’argent de sang. Son tueur à gage, interprété crânement par Mark Cheng, offre un exemple encore plus cru. Mercenaire, son horizon se lmite l’argent et il prévient son boss qu’il s’occupera de lui si on essaye de le gruger. Il consacrera son dernier souffle à réclamer encore plus d’argent !
Mais ces hommes sont aux prises avec une force plus puissante encore, incarnée par Xi, membre de la sécurité chinoise. Représentant du gouvernement de Pékin, il exerce un contrôle total sur le destin des personnages à l’image de la nature totalitaire du régime qui l’emploie. Le triste destin des protagonistes d’Election 2 s’annonce sous la forme de la bande originale de grande qualité qui plane comme une menace au-dessus de leurs têtes.
Sorti discrètement sur les écrans français le 10 janvier 2007, Election 2 est disponible en DVD HK sous-titré anglais.