Duel à mort du sorcier chinois
Par où commencer ? Il y a tout ce qui faut dans ce chef-d’œuvre qu’est Duel à mort du sorcier chinois pour satisfaire le spectateur le plus rétif a la « kung-fu comedy ». Côté personnages, nous avons du méchant avec des coiffures à en faire pâlir Jean Louis David (notamment un des hommes de main, qui a une de ces paires de favoris je ne vous dis que ça), du fourbe quatre étoiles, de la femme molestée, du sorcier taoïste (en effet le titre aurait bien pu mentir, ce n’aurait pas été la première fois !), du zombie (certes à petite dose mais notons tout de même l’effort pour satisfaire la clientèle), du pauvre opprimé, du travestissement aussi bien masculin que féminin, des commerçants geignards en pagaille, etc. On peut juste déplorer l’absence du vieux maître qui transmet son savoir. Par conséquent, on est privé de séquences d’entraînement chef-d’œuvre.
Néanmoins, c’est un film éducatif. Vous y apprendrez comment pêcher un poulet, puis comment le déplumer vivant d’un seul coup, trouver « un pote de voyage » original, et passer les péages sans payer. Vous pourrez en retirer quelques trucs pour la chasse au crapaud. Vous saurez comment gagner au bonneteau grâce au kung-fu. Vous réaliserez enfin la vérité sur le base-ball, à savoir que ce sport doit tout au kung-fu et aux Chinois qui l’inventèrent ! Vous y trouverez également une autre utilisation possible des asticots (Hélas je le confirme, des asticots ont été maltraités dans ce film !). Vous y découvrirez de nouvelles armes. Et désormais vous saurez comment passer un entretien d’embauche pour trouver un CDI (pas un CPE ou un CNE ! Non, un vrai CDI !), avec un salaire mirobolant (Paroles à méditer : « L’argent n’est pas l’essentiel. Si le travail est fait dans les règles vous aurez tout. »), lorsque l’on est un expert en kung-fu prêt à vendre son art au plus offrant. Que des choses utiles, qui permettent soit de briller dans les dîners mondains en ville, soit d’impressionner les DRH avec un CV sans pareil, grâce à ce film.
Mais revenons à de plus basses préoccupations. Qu’en est-il de la forme ? Eh bien, c’est avec émerveillement que vous constaterez que ce film est très bien réalisé. Le montage est efficace et sans temps morts. On y trouve des mouvements de caméra maîtrisés et originaux. Seul point noir, la lumière. Force est de constater que même si Christopher Doyle avait pu travailler sur ce film, il n’aurait guère fait mieux !! Comment voulez-vous faire, lorsque vous travaillez avec un seul spot ? J’en veux pour exemples ces nombreuses séquences où les acteurs font face à la caméra et sont bien éclairés, ils tournent la tête, la caméra les suit et là le visage est complètement ombragé. Néanmoins les ambiances lumineuses sont variées. A certains moments c’est bien simple, on ne sait plus si c’est le jour ou la nuit. Sans cela ce film aurait été trop parfait.
Et les combats, comment qu’ils sont les combats !? A ce stade-là, le spectateur pourrait se satisfaire d’une prestation correcte sans plus, comme dans la plupart des films de cette catégorie. Mais pas le chorégraphe qui nous en fout plein les yeux ! Pendant 90% de la durée de ce film on se fout sur la gueule, je reviendrai sur les raisons plus loin. Ca se bat avec des portes à double battant, des cuillers en bois (la cuisine et les percussions chez les VRP c’était déjà pas mal, mais pourquoi se limiter ?), des balais, des armes plus conventionnelles (sabre, bâton, éventail,...). Les combats pieds-poings sont formidables d’originalité, et parfaitement lisibles. Le héros maîtrise plutôt bien les coups de pied et est loin d’en être avare. Les autres acteurs ne sont pas en reste non plus. Et plus particulièrement un des hommes de main qui fait montre d’une souplesse extraordinaire. De plus les combats sont rapides, pas de décomposition exagérée des mouvements. De temps en temps, l’image est accélérée juste ce qu’il faut sans desservir l’action. La petite touche gore n’est pas oubliée, et pleine d’humour.
Bon, les combats c’est fait... Ah, oui... la bande son !!! C’est simple c’est un festival !! Des musiques incroyables, tout y passe, bizarrement y’a même un thème qui ressemble a celui de Rambo (le I ou le II, je ne sais plus) !? Les bruitages sont merveilleux, abusés à souhait mais qui collent parfaitement à l’action. ET LES DIALOGUES !? Ils sont d’époque. Que dire d’un film dont les premières paroles au bout d’à peine trente secondes sont :
« -Lee Sang !
-hn... Je vous en supplie je n'ai pas d'argent !
-Ta gueule, vieux fou !! »
Autre exemple, le héros qui avant de balancer un coup de latte, jette cette sentence à son adversaire : « Tu t’crois beau, avec ta tronche de melon et tes dents pourries !?! »
Le doublage est tout bonnement magnifique, on y retrouve les voix qui ont bercées notre enfance. Hélas, on les reconnaît, on ne sait pas toujours y mettre un nom et c’est bien dommage. Combien de nanars (ici ce n’est vraiment pas le cas car même en v.o. sous-titrée ce film doit être excellent) ont-ils été sauvés du naufrage par ces artisans de l’ombre ? Mesdames, messieurs, les doubleurs, chapeau bas !!
Et l’histoire me direz-vous, qu’est ce qui se raconte dans ce film ? Une histoire de vengeance bien sûr !!! L’Aigle boiteux (un vague usurpateur d’on ne sait quoi) avec ses troupes (qui ne ce sont ici que quelques hommes de main) n’ont pas l’air d’être sympas avec le petit commerce. Se dresse contre l’Aigle le général Ching, « commandant en chef de la révolution armée ». Le bras droit de ce dernier, Pang Ho, se fait passer pour un marchand de tissu. L’Aigle boiteux essaie de s’en débarrasser mais il échoue une première fois. Débarque alors chez lui, en fanfare, maître Chung sang Du (désolé pour la retranscription des noms des personnages c’est de l’à peu près) qui est recruté et envoyé immédiatement pour faire la peau de Pang Ho. Et c’est chose faîte deux minutes après ! Là-dessus arrive le fils de Pang Ho, qui découvre le cadavre de son père. Désireux de se venger, il va prendre conseil auprès de son oncle qui lui dit de rentrer dans la clandestinité. Du coup, il se déguise en mendiant et va jouer les redresseurs de torts et ainsi botter le cul des hommes de L’Aigle boiteux. Cependant un sorcier taoïste qui sort d’on ne sait où, observe son Kung-fu et reconnaît le style de Pang Ho. De fait, il en déduit que c’est le fils de ce dernier, et s’en va proposer de ramener sa tête, moyennant récompense, à l’Aigle boiteux. A partir de là c’est baston sur baston, jusqu’à la baston finale qui verra tous les affreux se faire dérouiller un par un, jusqu’à leur chef boiteux. Et tout cela est ponctué de séquences humoristiques réussies. Peut-être y a-t-il un certain discours anti-impérialiste vis-à-vis de la Chine continentale... Il s’agit de libération du peuple, le pourri d’Aigle boiteux est tout en rouge lorsqu’il se fait dérouiller à la fin... Qui sait ?
En conclusion, ce petit bijou de Duel à mort du sorcier chinois est indispensable pour les adeptes de la « kung-fu comedy », et fort distrayant pour les autres. Y’a que les intellectuels insensibles, allergiques au moindre effort physique, qui ne sauront apprécier ce film. Si vous n’êtes pas saisi d’une envie irrépressible de sauter dans votre salon, en hurlant des onomatopées sans queue ni tête, en donnant des coups dans tous les sens, transformant le moindre objet ou meuble qui vous entoure en ennemi potentiel (ceci peut concerner uniquement les non pratiquants d’arts martiaux, ces derniers fort de leur expérience se précipiteront à leur prochain entraînement plus motivés que jamais !!), vous pouvez essayer de vous faire rembourser (ça doit pas marcher en principe), ou de m’envoyer des courriers d’insultes. En tout cas, merci Bach Films !
Duel à mort du sorcier chinois est disponible en DVD français chez Bach Films. Le chapitrage est merdique : ce disque comporte au total neuf chapitres dont seulement six sont indiqués dans le menu concerné, ne facilitant pas l’accès à nos séquences et répliques préférées. Le film est par ailleurs disponible aux USA et en Angleterre.


