Champion
La naissance d’un homme, d’un boxeur, d’un héros, d’un champion...
Kim Duk-Koo erre dans la vie sans but, et vit de la vente de bandes dessinées humoristiques. Mais un jour, il tombe devant la porte d’une salle d’entraînement de boxe et là c’est le déclic : il va boxer et faire quelque chose de sa vie. Il se jette alors à corps perdu dans sa nouvelle passion. Il tombera amoureux du sport et de Lee Kyung-Mi, et finira sa carrière sur le ring à Las Vegas, en 1982.
Jeune enfant issu d’une famille pauvre, Duk-Koo ne doit son salut qu’à lui seul. Il se doit d’acquérir une reconnaissance dans un domaine, pour pouvoir s’affirmer et s’habiller en costume. A un moment sa compagne lui demande pourquoi ne porte-il pas un costume, comme le jour de leur mariage, et Duk-Koo lui répond : "Quand je serais devenu champion du monde, je porterais un costume tous les jours !". Autrement dit quand il sera devenu quelqu’un, il pourra être quelqu’un aux yeux de ceux qu’il estime.
Tout ceci n’a rien à voir avec la rage ou la haine, Duk-Koo pratique ce sport sérieusement mais sans réel attachement à la discipline. Ce n’est qu’un moyen pour lui d’exister, et c’est par ailleurs en cela que sa destinée est quasiment la même que celle du coureur de fond américain Steve Prefontaine. En effet, il existe dans l’histoire sportive de chaque nation un athlète issu d’une classe sociale pauvre, élevé au rang de héros suite à sa disparition tragique. Steve et Duk-Koo, le boxeur et le coureur, l’homme et l’homme, les deux héros ont connu le même parcours et possédaient les même convictions et surtout ils croyaient en leur passion : la volonté d’être quelqu’un. Pour vous convaincre de l’universalité du phénomène, je ne saurais vous conseiller le magnifique film de Robert Towne (oui je sais, Tequila Sunrise !!) avec Billy Crudup dans le rôle titre - Without Limits... quel titre !!! Veuillez remarquer que le film, qui date de 1999 et qui compte pourtant dans son casting Donald Sutherland, n’est pas sorti dans les salles françaises... ben tiens on a le droit à tous les films de Bryan Singer et de David Fincher et pas aux bons films... ah bravo !
Revenons à nos gants de boxe. La fin tragique de Duk-Koo Kim a contribué à la révision de certaines règles du sport de combat ; notamment le passage de 15 à 12 rounds pour tout match de Championnat du monde. Mais si ce jour du 13 novembre 1982 reste dans les mémoires, c’est surtout car il est la parfaite démonstration de ce qui peut arriver de pire dans le sport de haut niveau : la mort. La brutalité dont a fait preuve Ray Mancini au Caesar’s Palace ce jour-là, reste condamnable ; d’ailleurs il aurait dû être puni. Tout comme le fut Tyson pour avoir très érotiquement mordu l’oreille de son opposant.
Au casting de Champion, nous avons le plaisir de revoir Yoo Oh-Seong, le "Kendoka" de Attack on the Gas Station, et le jeune partenaire de Ahn Seong-Gi dans Spring in my Hometown. Oh-Seong nous livre une prestation des plus poignantes ; et pourtant tout avait déjà été fait au niveau de l’interprétation d’un boxeur. Stallone bien sûr, De Niro bien entendu, plus proche de notre ligne éditoriale Aaron Kwok (Somebody Up There Likes Me), ou bien Stacy Keach dans le nihiliste Fat City de John Huston. Stallone jouait sur la corde sensible, en dépeignant la vie d’un boxeur médiocre qui devient un grand champion enfin aimé. De Niro quant à lui, ne fut chargé que d’illustrer la rapide ascension de Jake LaMotta, puis sa lente déchéance, sportive et physique. Aaron incarna le jeune loup qui boxe sans réflexion pour se prouver qu’il peut transformer sa vie en quelque chose d’admirable. Keach eu droit au rôle du boxeur sur le retour, à moitié alcoolique, qui ne parviendra jamais à revenir complètement.
Et là où se situe l’originalité d’Oh-Seong, c’est l’absence d’auto apitoiement (son statut de quasi SDF et sa première défaite) et de sensibilité débordante (sa relation avec sa femme et son fils qu’il ne connaîtra pas). Grâce à cela et à son innocence, Oh-Seong transcende son personnage et lui donne une dimension universelle, lui conférant ainsi non plus le statut d’héros, mais bel et bien celui d’un Dieu.
A ses côtés, la très belle Choi Min-Suh remplit bien son rôle de femme aimante, prête à tout pour la réussite de son mari ; même s’il s’agit de garder sous silence leur mariage. Apparaissant assez peu finalement, il est certain que nous la croiserons à nouveau.
Derrière la caméra, c’est le réalisateur Gwak Gyeong-Taek, tout juste auréolé du succès de Friend, qui se charge de mettre en image la vie de Duk-Koo. Loin de faire dans le déjà vu (et pourtant c’est pas simple !!), la caméra de Gyeong-Taek file au gré des coups de poings, s’arrête, se retourne, puis reprend un rythme normal pour ralentir. C’est beau, enivrant et bien conçu. Là aussi aucun pleurnichage incongru, Duk-Koo est mort, son histoire est connue, sa carrière et son décès ont servi d’exemple à des générations d’athlètes. Et si le film est intelligent, c’est qu’il ne s’attache pas au destin tragique du boxeur mais plutôt à sa volonté de vivre son rêve, de se dépasser. C’est pour cela que Champion est un bon film. C’est pour cela que Champion est une réussite. Et c’est pour cela que Champion est l’un des rares films qui pourrait durer toute une journée sans que l’on puisse s’en lasser.
Champion existe en DVD en édition coréenne, éditée chez EnterOne. Le pressage est sublime comme de coutume chez nos amis coréens. Tout y est : 2.35, anamorphique, 5.1EX, DTS ES, sous-titres anglais et coréens amovibles. Ah, si tous les éditeurs faisaient le même travail soigné !
En suppléments, un documentaire de 50 minutes (conférences de presse, images de tournages...), tous les spots TV et la bande-annonce.
Une édition hongkongaise, elle aussi sous-titrée en anglais, est sortie chez Panorama. Cette édition ne compte que la bande annonce du film en guise de suppléments.