Bang Rajan
Nous sommes en l’an 1763. Le reigne de Ming Ra en Birmanie commence par une campagne de suppression de toute force d’opposition dans le pays. Les chefs des provinces rebelles au nouveau Roi sont soutenus par la capitale du pays, Ayudhya - que Mang Ra se voit, en conséquence, contraint d’envahir. Pour ce faire, en 1765, le Roi divise son armée en deux bataillons de 100.000 soldats chacun ; les deux groupes doivent se rejoindre à Ayudhya après avoir nettoyé la rebellion paysanne, l’un à l’ouest, l’autre au nord du pays.
La faction septentrionale, dirigée par Nemeao Srihabodi, tombe dans une embuscade tendue par les villageois de Bang Rajan. Commence alors un siège qui va durer plus de cinq mois, au cours desquels les villageois réussiront à repousser sept attaques successives de la pourtant toute puissante armée Birmane. Bang Rajan raconte l’histoire de ces "Village Warriors" et de leur lutte improbable contre l’armée de Ming Ra...
Comment vous expliquer. La dernière fois que je me suis retrouvé dans une telle situation, c’était en découvrant le Gojoe de Sogo Ishii dans les mêmes conditions - c’est-à-dire, vous l’aurez peut-être compris, sans sous-titres. Néanmoins, Bang Rajan est plus directement lisible que le chef d’oeuvre médiéval de Ishii : même sans comprendre un traitre mot de thaï (ce qui est mon cas), on parvient sans difficulté à saisir les enjeux, à la fois militaires et humains, qui motivent les différentes factions mises en scènes ; ainsi que, au sein de ces factions, ceux des différents personnages. Qui plus est, comme The Thirteenth Warrior (avec lequel Bang Rajan partage de nombreuses similitudes), cette légende des "Village Warriors" est avant tout un exercice de narration visuelle : le montage, les mouvements de caméra, l’éclairage travaillé,... la symbiose parfaite de tous ces éléments, couplée à une partition magnifique toute en percussions, résume à elle seule les échanges des protagonistes, retranscrit leurs peurs, leurs élans de colère, leurs passions et leurs antagonismes dans un langage universel - celui du Cinéma, avec un "c" majuscule.
Car Bang Rajan est un film avant tout "cinétique". Ce qui ne veut pas dire qu’il constitue 120 minutes d’action incessante et "over the top" (comme l’annoncerait sûrement la jaquette d’un DVD zone 1 improbable), non ; car, tout comme Gojoe, il possède ses moments de contemplation, de réfléxion, de recueillement - tous nécessaires à la construction d’un rythme imparable. Comme c’était le cas - à une échelle inférieure mais tout aussi efficace - dans le chef-d’oeuvre ignoré et bâtard de MacTiernan - Bang Rajan construit la légende de personnages qui payent chèrement leur statut de héros à l’aide d’une alternance batailles/pauses qui atteint un suspense insoutenable (pour ceux qui ne connaissent pas cette histoire vraie, du moins) dans la dernière demi-heure du long-métrage.
Dans ces moments précieux où le village panse ses blessures, Bang Rajan se montre plus cruel encore que dans ses scènes de batailles homériques, qui sont pourtant d’une violence à la limite du soutenable. Au final, on se demande bien ce qui fait le plus mal : ces coups de massues, de haches et de canons, ou ces piles de cadavres démembrés devant lesquels les villageois se recueillent, effondrés.
Et l’on finit par constater une chose très importante : bien que le mot qui ait été le plus souvent utilisé pour caractériser cette nouvelle étape du cinéma épique franchie par Tanit Jitnukul soit le mot "barbare", c’est justement une chose que Bang Rajan n’est pas. Les affrontements qui le parsèment le sont, sans hésitation aucune, et ce sont sans doute certains des combats les plus impresionnants jamais filmés, je vous l’assure. Mais Bang Rajan est avant tout un film d’une extrême pureté dans son approche absolument objective d’un affrontement insensé entre David et une multitude de Goliaths. C’est pourquoi, même en l’absence de dialogues, je peux vous assurer que Bang Rajan est bien le chef-d’oeuvre guerrier dont vous avez tant entendu parler depuis son passage remarqué au Festival de Deauville. Et, si, comme tout le monde à SdA, vous avez frissonné devant le hurlement de Benkei à la fin de Gojoe, préparez-vous à passer les vingt dernières minutes de Bang Rajan debouts, en état de choc annoncé.
Bang Rajan n’est pour l’instant disponible qu’en VCD et DVD thaïlandais sans sous-titres.
Le DVD est de qualité hésitante : si les scènes diurnes sont très bien rendues, et possèdent un rendu quasi-bichromique superbe, les scènes nocturnes fourmillent énormément (il faut dire aussi que le travail de contrastes ferait presque pâlir de honte le David Lynch de Lost Highway). Le film est au format, mais malheureusement non-anamorphique. La bande-son ? Un 5.1 époustouflant qui restitue l’ampleur des batailles avec une force ahurissante.
Le DVD - tout comme le VCD - contient un disque de suppléments, dont certains sont, étonnemment, sous-titrés en anglais.