The Twilight Samurai
Jidaigeki aux allures de fable humaniste à l’aube de l’ère Meiji...
Lorsqu’il perd prématurément son épouse, le samurai de basse classe Seibei Iguchi se retrouve seul, ses deux filles et sa vieille mère sénile à charge... La grande heure de gloire des samurai est bien loin derrière eux maintenant, et Seibei qui n’est qu’un simple comptable au sein de son clan, aspire à une vie de simple paysan afin de pouvoir subvenir en toute tranquillité à sa famille. Un beau jour, la belle Tomoe, sœur de son meilleur ami, lui rend visite après qu’elle ait quitté son mari qui la battait...
Il aura fallu soixante-dix-sept films et quarante-et-un ans de bons et loyaux services derrière la caméra à Yoji Yamada (Shiawase no Kiiroi Hankachi) pour qu’il s’attaque enfin au Jidaigeki. Jidaigeki Tasogare Seibei ?... oui ! Chanbara ? non... enfin...
...En adaptant trois romans de Shûhei Fujisawa (Tasogare Seibei, Chikkou Shiatsu et Iwaibito Sukehachi), Yamada entre dans l’univers du Jidaigeki d’une manière qui lui est propre ; cet amoureux de l’être humain, père des ’Tora-san’ [1], la série cinématographique la plus longue et la plus connue du pays du soleil levant, il s’immisce dans le film en costume en l’abordant de manière altruiste, à l’image de Seibei...
...mais avant d’en arriver à notre héros, revenons à Yoji Yamada. C’est il y a six ans qu’il décide de se pencher sur l’œuvre de Fujisawa, selon lui la seule capable de retranscrire la "vraie vie" des samurai, sans fioriture romanesque. Yamada, cinéaste philanthrope par excellence, souhaite montrer le mode de vie ces hommes, que l’on considère injustement comme des guerriers au sens large du terme... Lors d’un entretien qu’il donna au Japan Times [2], il exprime son point de vue sur un cinéma - de samurai - qui selon lui, n’a jamais reflété une once de vérité historique : "(...)lorsque les méchants encerclent le héros, pourquoi l’attaquent-ils un par un, se faisant ainsi tuer, au lieu de l’attaquer tous ensemble ?!(...)"... Sans parler de sa vision des combats, qu’il voulait rendre beaucoup plus réalistes : "(...) lors d’un combat, lorsque le méchant est coupé, il meurt aussitôt. En réalité, il est beaucoup plus difficile de tuer quelqu’un dans un combat de sabre, à moins de donner un coup fatal (...) les combats entre samurai pouvaient durer de deux à trois heures. Ils se coupaient chacun encore et encore, jusqu’à ce qu’ils deviennent pâles, et que le plus faible ne s’effondre finalement, et succombe à son hémorragie(...)"... L’approche délibérément choisie par Yamada était donc de faire ressortir ce côté humain du samurai, en mettant en avant ses défauts et faiblesses au détriment de son aspect héroïque et intouchable...
...mais en dehors de cet aspect, Yamada glisse dans son film des éléments sociaux jusqu’alors jamais vus dans un Jidaigeki, dont le lien avec le Japon contemporain semble assez étroit. Le salaryman nippon serait il le samurai des temps modernes ?... de là à répondre que oui, il n’y a qu’un pas ! Le rapport d’autorité entre le seigneur et le samurai est finalement identique aujourd’hui entre un employé et son patron ; ce dernier peut demander n’importe quoi à son subordonné, celui-ci s’exécutera quoi qu’il arrive... de peur de perdre son travail. Il en était de même du temps des seigneurs et vassaux, où refuser un ordre équivalait à une mise à mort...
Autre point - social - important, le rôle de la femme ; durant plusieurs siècles, la femme japonaise n’a pas eu son mot à dire, que cela soit dans le couple, ou dans la vie publique. Aussi, un personnage tel que Tomoe, est un parti-pris volontairement anachronique de la part de Yamada, critiquant ainsi violemment le système féodal japonais. Durant la période Edo (1603-1867), "la" femme était soumise à son mari, n’ayant aucun droit de contester, y compris lors de maltraitances (contrairement au Moyen-Âge nippon, où les femmes eurent une grande importance, notamment au niveau culturel)... Tomoe, battue par son époux, demande le divorce et retrouve ainsi "sa liberté". Une femme moderne, intelligente, qui pose un regard critique sur une société archaïque...
...mais qu’en est il de Seibei ?... Héros imparfait... imparfait ? Son aspect nettement perfectible lui est principalement conféré par son allure. Peu soucieux de son apparence, Seibei est crasseux, n’est pas coiffé, et porte des habits déchirés, sales... Seibei est sujet aux railleries des médiocres (humains). "Crépuscule - ’Tasogare’ - Seibei", tel est le sobriquet trouvé par des imbéciles pour qui l’aspect extérieur prime, et qui ne cherchent pas à comprendre... Comprendre la vie de cet homme... Un homme pour qui voir ses filles grandir devant ses yeux est le plus grand des bonheur existant. Un homme juste, philanthrope, altruiste, généreux, pour qui il n’existe pas de besoin matériel... Un "grand petit" homme empli de bonté...
Pour incarner Seibei Iguchi, Yamada a fait appel à l’excellent Hiroyuki Sanada (Hero Interview, Onmyouji), qui trouve - enfin ! - ici peut-être le rôle de sa vie... Sanada est Seibei, il le transcende, à moins qu’il ne s’agisse de l’inverse, et nous offre une prestation bouleversante de justesse et d’émotion. A ses côtés, dans le rôle de Tomoe, c’est la ravissante Rie Miyazawa, chanteuse/actrice âgée aujourd’hui de trente ans (vingt-neuf à l’époque du film), qui commence sa - trop rare - carrière cinématographique en 1988 dans le film Bokura no Nanokakan Sensô (Hiroshi Sugawara). On a pu la voir notamment dans Erotikkuna Kankei (Les Liaisons Erotiques / 1992) de Koji Wakamatsu, ou dans le film hongkongais Peony Pavilion (Yonfan /2001)...
Film profondément humain, Tasogare Seibei, fable nous contant la vie d’un samurai s’autoproclamant "insignifiant", belle et triste histoire d’un modeste homme au grand cœur qui n’aura vécu que pour les autres, s’impose naturellement en un Jidaigeki tragique et sublime empli d’une émotion sincère... Une pièce majeure du cinéma mondial qui mérite amplement sa place auprès des plus grands...
DVD (Japon) | Shochiku | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1.85 - 16/9 | Images : Un magnifique pressage qui rend un bel hommage à la sublime photographie de Mutsuo Naganuma... | Son : DTS, 5.1 et Surround. Un savant mélange de force et de subtilité...
Suppléments : 232 minutes (!) de trailers, teasers, making of, interviews, un documentaire de la NHK en video HD... Ainsi qu’un magnifique petit livre (68 pages) qui contient quelques photos de Tasogare Seibei, ainsi que la filmographie de Yoji Yamada en images...
Ce DVD comporte des sous-titres anglais et japonais optionnels.
DVD (HK pas vu) | Panorama Entertainment | NTSC | Zone 3 | Format : 1:1.85 - 16/9 | Son : 5.1 ou stéréo
Ce DVD comporte des sous-titres chinois et anglais optionnels.
VCD (HK) | Toujours chez Panorama Entertainment, au format, en mono (VO japonaise ou doublage cantonais) mais uniquement sous-titré en chinois...
Bonus
Site Officiel de Tasogare Seibei: http://www.shochiku.co.jp/seibei
[1] ’Tora-san’, ou Otoko wa Tsurai Yo, quarante-huit épisodes réalisés par Yoji Yamada entre 1969 et 1995.
[2] Entretien tenu par Mark Schilling, paru dans The Japan Times du 16 Mars 2003.