Dil Chahta Hai
Après les comédies romantiques, les films de potes à la sauce Bollywood ; autant vous prévenir tout de suite, ça déchire ! Si l’on comprend aisément que le cinéma indien maîtrise tous les rouages scénaristiques de la bluette tant il les recycle de film en film, il était beaucoup moins évident de deviner qu’il pouvait aussi vous faire rire et pleurer sur une histoire d’amitié mâle. Et pourtant, c’est bien ce qui risque de vous arriver si tout comme moi, vous vous installez devant Dil Chahta Hai, première réalisation du prometteur Farhan Akhtar. Si je vous dis qu’en plus, le même Farhan Akhtar a écrit le scénario et les dialogues du film, vous n’aurez plus qu’à suivre de très près la sortie de son prochain long-métrage, Lakshya, en 2004. Cerise sur le gâteau : sachez que les parents du dit Farhan ne sont autres que Javed Akhtar (scénariste de Sholay, auteur des paroles des chansons de nombreux films comme Mr. India, Baadshah, Lagaan, Moksha, Mere Yaar Ki Shaadi Hai, The Hero, Chalte Chalte...) et Honey Irani (scénariste de Kaho Naa... Pyaar Hai, Jab Pyaar Kisise Hota Hai...), ce qui lui assure un sérieux background...
Dil Chahta Hai est donc un film de potes. Akash, Sameer et Siddharth - vous finirez par faire comme tout le monde et l’appellerez Sid - sortent tout juste de l’université et sont inséparables bien que de caractères différents : Aakash (interprété par Aamir Khan) vit en dilettante, avec légèreté et confiance en soi ; il aime attirer les regards sur lui, se jouer de son ami Sameer, et contrairement à ce dernier, il ne croît pas en toute relation amoureuse qui pourrait dépasser deux semaines de temps. Sameer (interprété par Saif Ali Khan) est le naïf du groupe, sympathique personnage en quête de lui-même et du grand amour, mais sur lequel le sort s’acharne avec un malin plaisir ; très facilement influençable, il tombe souvent amoureux, ce qui l’entraîne régulièrement dans des situations savoureuses, pour reprendre l’un des adjectifs préférés de nos professeurs de lettres à tous. Enfin, Sid (interprété par Akshaye Khanna) est la composante posée du trio : sagesse et réflexion semblent être ses maîtres mots, ce qui ne l’empêche pas d’apprécier les sorties entre potes et la peinture, art qu’il exerce pour exprimer ce qu’il ressent et dissimule derrière son masque mature.
La ramification de leurs chemins professionnels, accompagnée de l’arrivée dans leurs vies respectives de Shalini, Pooja et Tara vont bousculer en l’espace de quelques mois leurs existences propres mais également le cœur de leur solide amitié ; la question étant pour vous de découvrir quels événement vont les amener à se retrouver...
La première chose qui frappe dans Dil Chahta Hai, c’est le jeu des acteurs. Alors que les étalons du Bollywood nous habituent à des performances too much que l’on finit par adorer (Shahrukh Khan étant l’empereur de la discipline en question), les acteurs de Dil Chahta Hai sont plus fins qu’à l’accoutumée et tentent de jouer en retenue. Bien évidemment, les deux rôles qui ressortent sont ceux d’Aamir Khan et d’Akshaye Khanna qui nous offrent ici deux performances mémorables ; le premier démontre aux sceptiques l’étendue de son registre et de son talent pendant que le second, même s’il abuse de son regard triste à faire chavirer, donne une dimension particulière au personnage de Sid, profonde et optimiste. Quant aux autres acteurs, notamment les seconds rôles féminins, ils assurent parfaitement leur fonction de piliers du récit, renforçant ainsi les performances d’Aamir Khan et d’Akshaye Khanna. En bref, côté casting, rien à redire.
Pour ce qui est de la réalisation, elle est honorable, fraîche et sincère. Elle respecte la nature du récit et se permet d’être beaucoup plus tape-à-l’œil lors des séquences musicales, comme souvent me direz-vous... On retrouve dans la façon de filmer qu’ont les cinéastes indiens la même sincérité que dans le jeu des acteurs indiens : un côté totalement décomplexé, tant dans le choix des plans, du montage ou des effets, qui laisse transparaître le plaisir qu’ils ont à faire un film. Cette attitude, pour peu que l’on y soit sensible, apporte une telle fraîcheur, en comparaison avec les réalisateurs occidentaux (et surtout les clippeurs) qui se prennent trop souvent au sérieux, que l’on ne peut qu’en apprécier le résultat.
Les chansons... Koi Kahe Kehta Rahe ouvre la série par une célébration de fin des examens dans une discothèque, et comme avec la réunion des anciens élèves dans Mere Yaar Ki Shaadi Hai, on meurt d’envie de traverser l’écran pour rejoindre la foule et danser avec eux. Contrairement à leurs pairs occidentaux, les acteurs et les metteurs en scène savent rendre l’esprit de fête des clubbers et ces émotions simples que l’on ressent sur un dancefloor ; en d’autres termes, si votre esprit est aussi ouvert que votre cul est coincé, si vous avez fait les blasés devant la scène de club qui se trouve dans Matrix Reloaded, vous risquez de ne pas apprécier les vibrations positives de Koi Kahe Kehta Rahe, et c’est bien fait pour vous.
Pour ceux qui aiment les alpages de synthèse, vous serez ravis d’apprendre que Kaisi Hai Yeh Rut en utilise pour ses fonds, ce qui ne fait que renforcer le côté kitsch. Les fans d’Aamir Khan pourront se régaler sur Jaane Kyon où il cabotine juste ce qu’il faut ; quant à Tanhayee, vous ne risquez pas de l’oublier de sitôt, car si le jeu silencieux d’Aamir Khan s’accorde parfaitement au thème de la solitude traité ici, la réalisation et le choix des cadres place cette séquence musicale au-dessus des autres. Enfin Dil Chahta Hai, la chanson éponyme, vous restera coincée dans le crâne quelques jours, c’est garanti. Et pour ceux qui en veulent toujours plus, sachez que le score du film n’est pas mal non plus, notamment le générique de début.
Après quelques recherches sur Internet, j’ai pu réaliser que Dil Chahta Hai n’était pas simplement un bon film de potes, mais bel et bien l’une des meilleures réalisations Bollywood de ces dernières années. Pour ma part, il s’agit probablement d’un des meilleurs films que j’aurais vus en 2003, donc ne vous laissez pas effrayer par la durée (185 minutes) qui vous semble difficile à placer dans votre emploi du temps ; installez-vous un soir devant ce film, et laissez-vous emporter. Vous ne regretterez pas le voyage et insisterez même pour que Farhan Akhtar nous écrive la suite, histoire de savoir comment seront Akash, Sameer et Sid dans dix ans ; je commence la pétition ?
Dil Chahta Hai est disponible en DVD.