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Vietnam

A la verticale de l’été

aka Mua he chieu thang dung | Vietnam / France / Allemagne | 2000 | Un film de Tran Anh Hung | Avec Tran Nu Yên-Khê, Nhu Quynh Nguyen, Le Khanh, Quang Hai Ngo, Chu Hung, Manh Cuong Tran, Le Tuan Anh, Ngoc Dung Le

Comme tous les ans à l’occasion de l’anniversaire de la mort de sa mère, Lien retrouve ses deux soeurs Suong et Khanh ainsi que le reste de sa famille, le temps d’un repas. Pour les trois soeurs, qui travaillent ensemble en tant que serveuses, c’est l’occasion de discuter librement, d’aborder des sujets personnels en préparant un repas/rituel, de rire et profiter de l’authenticité du moment. Au cours de cette journée, les soeurs et leurs proches paraissent jouir d’une parfaite harmonie.
Le mari de Suong, père de son fils Petite Souris, est photographe de plantes, et caresse l’ambition de capturer des portraits, sans jamais parvenir à les figer avec la même sérénité que les végétaux. Le mari de Khanh est écrivain, et peine à écrire les quelques dernières pages qui le séparent de la fin de son premier roman, qui doivent mettre en scène une rencontre entre un homme et une femme. Lien quant à elle vit avec son grand frère, et passe une grande partie de son temps à s’imaginer enceinte. Autour des trois femmes, le temps semble s’écouler sans accrocs, en communion avec la nature et ses couleurs, avec les esprits. C’est bien mal connaître la nature humaine...

A la verticale de l’été, troisième film de Tran Ahn Hung (réalisateur de L’odeur de la papaye verte et Cyclo), débute en même temps qu’une journée ensoleillée. Lien et son frère se réveillent au son d’une chanson du Velvet Underground ; la voix de Lou Reed s’accorde étrangement avec le rythme d’un réveil paisible.

Pendant la première partie du film, cette sensation de paix s’installe tranquillement chez le spectateur, plongé dans l’intimité d’une famille par le biais de trois soeurs, de leurs discussions et de leurs silences. Leurs dialogues paraissent détachés, dirigés vers personne en particulier comme pour mieux accueillir le spectateur, sans lui donner l’impression de déranger.
En l’espace de quelques scènes, on assiste à la préparation d’un repas, on partage la confidence d’un amour secret de la mère de Lien, on apprend des détails concernant les pensées secrètes de chacune. En parallèle, on découvre la vie des hommes qui les accompagnent au quotidien, plus réticents à nous faire partager leur intimité. Qu’importe, puisqu’on se laisse haper par la tranquilité ambiante, par le rythme presque ralenti d’une vie paisible, par une plénitude aveuglante.
Puis une perturbation s’affine, par le biais d’un déplacement, d’une barque qui ne parvient pas à se stabiliser sur la surface d’un lac. Comme une onde qui se propagerait dans l’eau à partir d’un épicentre soudain, cette perturbation s’étend, contamine chaque personnage qui décide de partager avec nous le poids qui l’immobilise, indépendamment d’un ensemble en apparence harmonieux. Les secrets s’étalent discrètement, dans un silence forcé qui trouble la quiétude d’esprit du spectateur, sans pour autant le sortir de l’acalmie dans laquelle il a été plongé.

Tran Anh Hung filme ces différents niveaux d’intimité de façon presque invisible, parvenant à nous faire oublier le filtre par définition subjectif de sa caméra. En déplaçant son sujet de l’ensemble vers chacune des parties qui le composent, il renforce son humanité tout en creusant une fosse douloureuse, dans laquelle viennent se rajouter les peurs et les fautes de chacun.
Pour autant, il n’y a pas de changement de rythme dans A la verticale de l’été. Le réalisateur parvient à conserver la même fluidité de narration à chaque instant, réusissant à capturer à un même niveau les apparences et la plus trouble réalité. Ce faisant, il asseoit chez le spectateur, apaisé par les premières séquences du film, une tâche qui s’étend progressivement, au fur et à mesure que le mensonge et la douleur prennent le pas sur les sourires et les discours.

Au final pourtant, c’est une plénitude encore plus forte qui s’empare de nous, conscients d’avoir partagé l’authenticité de plusieurs vies complémentaires, dans toute leurs complexités. Un sentiment de satisfaction surprenant s’installe alors chez le spectateur, imposé avec une douceur exemplaire qui se ressent dans chaque cadrage, dans chaque respiration des personnages, dans la palette de couleurs retenue.
Tran Ahn Hung clot son film sur un ensemble de rencontres/séparations, avant de réveiller Lien et son frère le jour de l’anniversaire de la mort de leur père. Leur vie semble plus complète, presque réelle - tout comme le film qui se termine, en nous laissant quitter leur intimité aussi discrètement que nous y sommes entrés, mais autrement plus riches et éveillés - en un mot : heureux. Un véritable poème en images sur la vie, l’amour et... le Vietnam et ses paysages magnifiques !

A la verticale de l’été est disponible en DVD zone 2 dans la collection "Auteurs" éditée par Studio Canal.
La copie anamorphique est magnifique, et nous avons le choix entre la version vietnamienne sous-titrée et la VF, toutes deux en 5.1.
En guise de suppléments, un making-of, le trailer et la filmographie du réalisateur.

- Article paru le dimanche 3 novembre 2002

signé Akatomy

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